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Invité du mois «  Député européen Marie Arena »

Invité du mois «  Député européen Marie Arena »

/ Invité du Mois / Monday, 28 June 2021 17:29

source photo: https://mariearena.eu/

Propos recueillis par Jean Paul HABIMANA ; politologue  

Œil humanité :  Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ? 

Député ARENA : Mon nom est Marie Arena, je suis députée européenne du groupe socialiste et démocrate et présidente de la Sous-Commission des droits de l’Homme du Parlement Européen. Je suis Vice-Présidente de la Délégation à l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Je suis également membre de la commission des affaires étrangères, de la Commission spéciale de la lutte contre le cancer, de la Délégation pour les relations avec le Parlement panafricain et membre suppléante de la Commission environnement et santé.  


Œil d’humanité :
  Vous êtes actuellement député Européen. Qu’est-ce que cela implique ? 

 Député ARENA  :Être député européen signifie être l’équivalent d’un député national mais à l’échelle européenne. Nous sommes élus pour 5 ans au suffrage universel direct, mais sur une circonscription nationale et non européenne. 

Les députés européens représentent les citoyens de l'Union. Ils sont élus au suffrage universel direct depuis 1979. Nous travaillons entre Bruxelles et Strasbourg, où se déroulent les sessions plénières une fois par mois. Notre travail consiste à voter des lois européennes en lien avec le Conseil des ministres (c'est ce que l'on appelle la "codécision"). Nous votons également le budget de l'Union européenne et avons un pouvoir de contrôle sur les autres institutions, en particulier la Commission qui est en fait l’exécutif européen. 


Œil d’humanité 
:Quelle a été la singularité de votre combat politique, et en quoi vos orientations ont-elles été déterminantes dans votre carrière politique ?  

Député ARENA : Mon combat politique est particulièrement axé sur la justice sociale. Toutes les matières que nous traitons peuvent être abordées sous cet angle. Je prends par exemple le commerce international, vous pouvez l’envisager avec la priorité purement économique ou privilégier la question du développement durable c’est-à-dire qui est bénéfique pour le plus grand nombre sans endommager les droits humains et environnementaux. Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui d’où mon combat contre des accords commerciaux dommageables aux droits de l’homme et à l’environnement. Cet exemple est un parmi d’autres, je pourrais aussi parler de mon combat pour la législation des minerais issus des zones de conflit ou la responsabilité des entreprises multinationales dans les chaines de valeur.  


Œil d’humanité :
 Votre intérêt pour la question de l’immigration est connu. Pouvez-vous nous dire comment le Parlement Européenpeut résoudre cette problématique, en l’absence d’un vrai consensus ? 

Député ARENA :Nous avons le pouvoir de modifier et de voter des propositions législatives reçues de la Commission.  

Les conditions d’intervention de l’Union européenne en matière d’asile et d’immigration lorsqu'elles reposent sur des bases juridiques ne sont possibles que si les États membres décident d’agir ensemble au niveau européen, car il s’agit d’une compétence, qui, aujourd’hui est toujours dans les mains des États membres. Malheureusement, au vu des écarts de position qui existent d’un pays membre à l’autre, ceci est très difficile. 

Dès lors, le travail de l’Union européenne est freiné quand il s’agit d’adopter des règles communes en la matière. 

Ces règles communes, nous pouvons les ériger lorsque deux conditions sont remplies. La première, lorsqu’un traité attribue une compétence à l’UE pour intervenir dans un domaine particulier. La deuxième condition est que les États acceptent d’agir en commun dans le cadre des institutions européennes.  


Œil d’humanité :
 Ne pensez-vous pas que l’Europe doit discuter au préalable avec les gouvernements d’Afrique et du Moyen-Orient pour la mise en place de systèmes démocratiques, étant donné que la majorité des migrants quittent leurs pays pour fuir la dictature, la guerre, l’instabilité politique, le terrorisme et surtout la pauvreté ? 

Député ARENA :Il est évident que la solution idéale aux problèmes liés à la migration serait d’avoir des sociétés démocratiques, sans guerre, sans instabilité, sans pauvreté et sans terrorisme. 

Il faut savoir que nous avons des dialogues avec nos pays partenaires, en Afrique, au Moyen-Orient et ailleurs. Dans ces discussions, nous essayons de promulguer les valeurs démocratiques de l’Union européenne.  

La question de la migration demande une approche plus globale. Oui, il est important de lutter contre les causes profondes de la migration et il faut également travailler sur des routes de migrations légales et sur des capacités d’accueil sûres pour les personnes qui ont besoin de protection. 

  

Œil d’humanité : Pouvez-vous nous donner votre avis concernant ledéroulement des élections en Afrique, à partir de votre propre expérience de Député belge et observatrice électorale en Afrique et d’Observatrice en chef au Nigeria et au Libéria ?  

 Député ARENA Il est difficile de tirer un bilan sur toute l’Afrique au départ d’un seul pays qui est le Libéria. Chaque pays a sa propre histoire et des pays qui ont subi des guerres comme le Libéria ne sont pas comparables à d’autres. On voit par contre des pays où la démocratie s’installe progressivement comme la Gambie ou le Ghana ou encore le Burkina Fasso. Ces derniers doivent être soutenus dans leurs efforts. Par contre on peut aussi voir des pays en crise comme le Mali, le Cameroun ou encore le Tchad. Mais la démocratie ne se résume pas à l’élection. Si je prends la RDC depuis 2006 le pays organise des élections souvent contestées et ensuite ne garantit pas les autres piliers de la démocratie que sont par exemple l’existence d’un État qui fonctionne avec des services publics de qualité et qui permettrait l’accès à la santé, à l’éducation, à l’eau ou encore une justice indépendante qui lutterait contre la criminalité et la corruption. Actuellement on en est loin et c’est cela le cap qu’il faut tenir. Ne pas s’arrêter à l’élection....  


Œil d’humanité
 : Pourquoi l’Europe devrait-elle encore surveiller les élections en Afrique ? Ne croyez-vous pas que l’Afrique a atteint l’âge de la maturité politique pour bien s’organiser ? 

Député ARENA :Les missions d’observation sont organisées dans le cadre de l’instrument pour la démocratie et les droits de l’homme au sein des pays partenaires de l’UE. Lors de ces missions, l’UE émet des recommandations pour améliorer le processus démocratique lié aux élections.  

Elles sont organisées par l’UE dans les pays tiers sur invitation de ces derniers, c’est donc le pays qui tient les élections et qui initie la mission d’observation et non l’inverse.  

Chaque mission a un observateur en chef qui est un député européen et la décision finale de déployer une mission est du ressort du haut représentant de l’UE.  

Ces missions sont organisées sur le continent Africain mais pas seulement. L’UE organise également des missions d’observation électorale au Moyen-Orient, en Asie, en Amérique latine et dans les Caraïbes.  


Œil d’humanité :
 D’aucuns pensent que la pandémie du Covid-19ayant empêché les observateurs de l’Union européenne de participer aux élections en Afrique, les dictateurs en ont profité pour effectuer des hold-up électoraux. Est-ce également votre avis et quand pensez-vous qu’un redéploiement des observateurs européens en Afrique serait possible ? 

Député ARENA : Depuis mars 2020, nous avons malheureusement pu constater que les régimes autoritaires ont utilisé la pandémie pour justifier des atteintes aux libertés des citoyens. Cela a été le cas également sur la tenue des élections, avec des reports. 

En temps normal, les élections représentent une composante essentielle de la démocratie. Elles demandent également beaucoup d’investissements en terme de budget et de temps. Elles sont également souvent marquées par des violations des droits de l’homme. Le Covid-19 a bien entendu rajouter un lot de défis aux élections.  

Les Missions d’observation électorales de l’UE ont repris récemment. 


Œil d’humanité
 : Quelles sont les stratégies envisagées par le Parlement Européen par rapport au recul de la démocratie et les droits de l’homme causé par l’absence des observateurs neutres de l’UE? 

Député ARENA : Durant la pandémie, nous avons travaillé avec la société civile présente dans les différents pays qui elle aussi a la possibilité d’observer les élections électorales et rédiger des rapports sur la tenue de ces élections. 


Œil d’humanité :
 « En tant que socialistes et démocrates, nous savons que nos valeurs doivent être le ciment de nos décisions futures, pour créer une Europe forte, solidaire avec en son centre l’intérêt social. L’Europe doit se montrer à la hauteur de ce défi, il en va de son avenir ! » Votre philosophie politique corrobore parfaitement avec  la mission principale  de notre entreprise sociale. Nous sommes convaincus que les valeurs démocratiques sont les seuls moyens pour atteindre au bonheur et au meilleur detous peupledu monde.  Je suis tout à fait d’accord avec votre combat politique, mais  si l’Afrique n’aspire pas aux valeurs démocratiques, croyez-vousque cette instabilité politique, qui engendre  le flux migratoire vers l’Europe pourra freiner votre philosophie politique, c’est-à-dire,créer une Europe plus forte ? 

Député ARENA : Je pense que les citoyens des pays du continent africain aspirent eux aussi aux valeurs démocratiques.  On le voit notamment dans le cadre des manifestations qui ont eu lieu ces dernières années, on le voit dans les mouvements qui se créent, dans l’activité de la société civile, des journalistes, des défenseurs des droits humains. Beaucoup de personnes luttent contre les dirigeants, les gouvernements et les forces de l’ordre qui sont responsables d’abus des droits humains et qui portent atteinte aux valeurs de la démocratie.  

En Europe, bien que la migration soit utilisée par certains pays comme arme pour créer des États de plus en plus fermés et autoritaires, je reste convaincue qu’une solution solidaire est possible, mais aussi souhaitée par les États membres et citoyens européens.  

Malheureusement, plusieurs pays membres exercent un blocage sur la compétence de l'accueil et de l'accès au territoire, rendant l'avancement difficile voire impossible du côté de l'Union européenne. Pourtant, des solutions existent comme la répartition sur l'ensemble du territoire, les voies légales de migration et l'application des normes internationales comme celles reprises dans la convention de Genève.  

Cependant, je travaille actuellement sur le nouveau pacte de migration afin d'obtenir un pacte qui aura comme priorité la solidarité et les droits humains et non le refoulement et les intérêts des pays populistes.  

  

Œil d’humanité : Il y a pas mal de migrants qui vivent en Europe sans disposer de séjours. Quel message adressez-vous à ces migrants dans l’incapacité de travailler et de vivre dignement ? Comment l’Europe pense-t-elle à l'avenir de l’immigration ?  

Député ARENA : On le sait, aujourd’hui, la situation de beaucoup de migrants en Europe aujourd’hui est plus que déplorable. Les exemples ne manquent pas que ce soit dans les camps en Grèce, en Italie, à Malte, mais aussi dans les pays tels que la Belgique ou la France. 

Je trouve qu’il est plus légitime pour moi d’adresser un message aux États membres dans lesquels se trouvent ces migrants. Comme je l’ai dit précédemment, c’est entre leurs mains que se trouvent les compétences d’accueil.  

Pour ma part, je plaide pour un véritable nouveau pacte de migration avec au centre de ses préoccupations le respect des droits fondamentaux des migrants. 

Cela passe par une véritable solidarité entre les pays membres, qui rétablira la confiance entre eux et cela ne peut se faire que via un mécanisme permanent et obligatoire de relocalisation, qui soulagera la pression que vit les pays du Sud de l’Europe. Mais il ne peut être une règle à utiliser en cas d’urgence mais bien une règle de base. L’Europe a également besoin d’une solidarité basée sur l’accueil et non sur le retour. Il est inconcevable de renvoyer des migrants dans leur pays d'origine alors que ceux-ci sont en proie aux guerres et aux conflits. 

  

Œil d’humanité : Avez-vous un message particulier à adresser aux gouvernements africains qui ne respectent les principes démocratiques et de la liberté d’expression ? 

Député ARENA : J’estime que les gouvernements et les forces de l’ordre qui ne respectent pas les principes de bonne gouvernance doivent être sanctionnés.  

Je plaide pour que l’aide de l’Union européenne à l’État soit arrêtée lorsque c’est le cas et qu’elle soit dirigée directement vers la société civile.  

Je sais que sans mesures concrètes et fortes, le changement ne se produira pas dans ces sociétés. Je trouve qu’il est important pour l’UE d’agir et de le faire via tous les outils qu’elle dispose, comme le nouveau régime de sanctions par exemple, qui permet de sanctionner les personnes et entités responsables de graves violations des droits de l’homme. 

  

 

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