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La décentralisation : Contexte et défis du développement local à travers le cas de la Mauritanie

La décentralisation : Contexte et défis du développement local à travers le cas de la Mauritanie

La décentralisation : Contexte et défis du développement local à travers le cas de la Mauritanie

/ SOCIETE / Wednesday, 15 September 2021 13:01
source photo: initiative news
 

L’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, a organisé, le 11 septembre 2021, au Palais des congrès de Nouakchott, un atelier de réflexion sur le thème : « le renforcement de la décentralisation et son rôle dans le développement local ». Cet atelier survient quarante-huit heures après l’annonce, en conseil des ministres, d’un découpage électoral élevant 6 arrondissements au rang de département. 

 

La communication présentée lors de cet atelier par Mme Fatimetou Mint Abdel Malek, Secrétaire exécutive en charge de la décentralisation et présidente du Conseil régional de Nouakchott, abordait la question de la décentralisation dans ses rapports au développement local (contexte et défis) mais également de son évolution historique en Mauritanie, en tant que choix d’organisation administrative n’ayant pas encore trouvé les bonnes conditions pour son exécution. 

La conférencière commence d’abord par cerner le sens de la décentralisation en la présentant comme un concept dont « la multiplicité des définitions (…) tient, en premier lieu, de la diversité de ses formes et pratiques. Malgré cela, ces définitions se rencontrent autour d’un même sens, eu égard aux principes et la philosophie qui le sous-tendent. »

Ainsi, la décentralisation est « un système qui permet le transfert des prérogatives du pouvoir central aux structures hiérarchiquement inférieures sur l’échelle administrative. C’est une administration qui favorise la participation des citoyens à la gestion de leurs affaires locales. »  

Elle se présente également comme « un ensemble de réformes politiques et administratives autorisant l’affectation d’un certain nombre de fonctions et de responsabilités ainsi que des ressources et des pouvoirs politiques au profit de niveaux inférieurs dans la hiérarchie administrative de l’État » comme les wilayas, les moughataa et les communes ou encore les établissements dépendant du pouvoir central. Ainsi, la décentralisation vise à faire  participer les populations locales par l’octroi de responsabilités totales aux collectivités territoriales.

La décentralisation est une organisation administrative œuvrant au renforcement et au développement de la démocratie participative locale. Le choix des structures communales par voie électorale et l’existence d’organes délibérants au sein des mairies responsables du choix des décisions sont des facteurs encourageant l’expression civique et la participation des citoyens dans la prise de décision locale.

 

Les objectifs généraux de la décentralisation

 

La décentralisation comme système d’organisation administrative vise à répondre aux exigences du développement économique par la création de structures institutionnelles servant la planification du développement économique, social et culturel au niveau local. Ce qui signifie qu’il faut alléger le poids administratif et de développement que supportent les institutions et structures du pouvoir central qui délèguent ainsi bon nombre de missions et de prérogatives à des structures régionales locales. 

Pour ce, il faut considérer les collectivités locales comme un cadre nécessaire et important qui assume une grande responsabilité dans le développement du domaine territorial. Donner, par conséquent, à ces collectivités l’autonomie nécessaire pour réaliser un développement local qui tient compte des particularités de chaque groupement et fonde ses principes sur la participation de tous. 

La décentralisation est fondée sur le principe de la participation des populations locales. Mais ce principe est loin d’être clair pour tout le monde, « quand on voit, dans bon nombre de cas, que l’on se contente de considérer la décentralisation comme une baguette magique capable de transcender les problématiques de développement posées, de rendre effectif et garantir la participation des populations locales, la bonne gestion des ressources, etc. », dira la secrétaire exécutive de l’UPR chargée de la décentralisation. Contrairement à ces idées reçues amplifiant le rôle de la décentralisation, « celle-ci ne parvient pas encore à améliorer le rendement des services publics au niveau local, à améliorer la bonne gouvernance et à garantir la participation locale et à contribuer à la réduction de la pauvreté. Elle est ainsi un cadre, pas plus, offrant plus d’occasions de réussite et de réalisation des objectifs de développement local. On peut dire ainsi que la décentralisation est un outil et aussi une stratégie institutionnelle pour le développement local et la bonne gouvernance », conclut Mint Abdel Malek sur cette question des objectifs de la décentralisation.

 

Décentralisation et développement local

 

« Nul doute que le lien étroit entre les concepts de décentralisation et de développement local et la force de la relation entre eux repose sur le fait que le premier est au service du second qui constitue sa raison d’être », déclare la présidente du Conseil régional de Nouakchott en abordant la question la plus cruciale de sa communication. 

La décentralisation (telle que définie précédemment) est une réforme administrative et un cadre institutionnel et juridique dans lequel l’accent est mis sur le rôle des collectivités locales dans la réalisation des intérêts des communautés locales et la gestion de leurs propres affaires. Ainsi partant de ce qui précède, nous pouvons résumer la relation entre les deux concepts dans les points suivants : « La décentralisation est un cadre approprié pour la planification et l’exécution des programmes de développement local » : La planification centralisée fondée sur l’autorité de l’État et son hégémonie sur tout le territoire national est restée le seul mode de fonctionnement qui a accompagné le système administratif centralisé avant de s’orienter vers la planification régionale, qui s’est accompagnée du transfert partiel de compétences du pouvoir central au profit des régions, dans le cadre d’une politique de décentralisation ou de régionalisation. 

Par la suite, les efforts se sont concentrés vers plus d’attention accordée aux domaines locaux dans le cadre de la politique de décentralisation, considérée comme le cadre idéal garantissant la participation effective de la population et des différents acteurs locaux. Et si ce processus suivant un schéma descendant : du rôle de l’État central, dans une première étape, à la région dans une étape intermédiaire, pour descendre finalement au domaine local, a entraîné un changement dans la planification de bas en haut, il reste que la vraie compréhension du concept de décentralisation qui détermine les rapports avec le développement local se fonde sur le principe de création d’un climat et d’un cadre favorables (s’ils sont utilisés à bon escient) à la réalisation d’un développement économique et social au plan local.

Ainsi, il est inconcevable de parler de participation et de démocratie locale sans établir le lien avec le pouvoir accordé aux collectivités locales comme incarnation de leur participation active au processus. Ceci est réalisé par la décentralisation qui détermine le type de relations entre l’État (avec ses niveaux centralisés et décentralisés) et les collectivités locales d’une part, et les acteurs sociaux impliqués dans le processus, d’autre part. Sans la participation de ces différentes parties, il n’est pas possible de parler de développement local ; ce qui signifie que la décentralisation reste le cadre qui garantit la réalisation de cette participation et œuvre à en assurer l’opérationnalité.

 

Aperçu sur la décentralisation en Mauritanie

 

Après cette vue générale sur le rapport entre décentralisation et développement local en Mauritanie, la conférencière a présenté un aperçu sur l’enclenchement du processus en Mauritanie, en partant de l’article 53 de la constitution de 1961 qui arrête le principe de la division territoriale. Elle rappelle par la suite les débuts de la communalisation, en 1986, avec la création progressive de 207 municipalités auxquelles viendront s’ajouter, en 2001, les 9 communes de Nouakchott       , et entre 2010 et 2018, trois autres municipalités pour porter le tout actuellement à 219 communes. Le point d’orgue de cette décentralisation sera la création, consécutive à l’amendement de la constitution en 2017, des conseils régionaux. 

Les débats qui ont suivi cette communication centrale sur la décentralisation, complétée par une autre présentée par l’ancien ministre Sidi Ould Khliva, secrétaire général de l’Association des Maires de Mauritanie (AMM), ont tenté, de façon quasi unanime à montrer qu’il s’agit d’une stratégie ambitieuse adoptée en 2020 mais qui pèche encore par sur plusieurs plans dont «  des conditions non encore réunies pour la montée en puissance de la décentralisation », « des collectivités territoriales manquant de moyens d’agir pour impulser le développement local » et « le manque de suivi pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale de décentralisation et de développement local » (SNDDL). Ils ont cependant salué la création d’un Conseil national de la décentralisation présidé par le président de la République en personne, « chose unique en son genre dans le monde », dira le secrétaire général de l’AMM se basant sur le témoignage d’un partenaire étranger.

La volonté politique acquise avec la création du CND, le succès de la décentralisation dépend, en grande partie du transfert des ressources tant humaines que financières. Certains intervenants ont ainsi appuyé l’appel lancé par la présidente du conseil régional de Nouakchott pour la création de fonction publique territoriale, notamment pour les secteurs de l’éducation et de la santé et d’une police municipale, ce qui créerait des milliers d’emplois et aiderait les collectivités locales à avoir de réels services de proximité. D’autres ont demandé que le fonds régional de développement (FRD) qui stagne à 0,87% du budget de l’État atteigne enfin les 3% prévus de longue date (il est à 6% dans les pays de l’UEMOA et 14% dans certains pays anglophones). Car il ne s’agit pas, pour une réelle décentralisation, de transférer de grandes compétences aux collectivités locales avec de faibles ressources. 

Par Sneiba Mohamed

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