Dr Danielle Choucroun
Deux mécanismes pourraient expliquer la survenue de l’endométriose causée par le DIU cuivre :
- L’augmentation du volume des menstruations
- L’effet toxique du cuivre, métal lourd, puissant perturbateur endocrinien.
Le premier stérilet est élaboré en 1909 par le Dr Richard Richter, ce dispositif intra-utérin (DIU) était alors constitué par un anneau de fils de soie. En 1929, le Dr Grafenberg ajoute aux fils de soie un alliage d’argent et de cuivre. Dans les DIU actuellement disponibles, les fils de soie ont été remplacés par une matière plastique, le polyéthylène.
En 1898 le scientifique allemand Hans von Pechmann a découvert par hasard le polyéthylène en chauffant de l’éthylène, gaz dérivé du pétrole. Ce n’est que dans les années 1960 que le polyéthylène a pu être produit massivement, à la suite notamment des contributions scientifiques des chimistes anglais Eric Fawcett et Reginald Gibson.
Le polyéthylène, utilisé comme support du fil de cuivre dans les DIU, est renforcé par le sulfate de baryum, afin de le rendre plus opaque et plus résistant. On suppose actuellement que le sulfate de baryum ne serait pas soluble en milieu biologique.
Qu’est-ce que le cuivre ? la question n’est pas inutile, car la représentation du cuivre, présent dans le DIU, est celle d’une substance inerte, sans danger pour son utilisation au contact direct avec l’endomètre (muqueuse tapissant l’intérieur de l’utérus).
Le cuivre est probablement le métal le plus anciennement connu, les premiers objets en cuivre ont été identifiés en Irak, environ 10 000 ans avant JC. Le cuivre a été largement été utilisé en Égypte Antique, notamment pour réaliser des tubes transportant l’eau, et de nombreux objets domestiques. En 2019, des chercheurs auraient démontré la contamination persistante des sols par le cuivre au voisinage de l’ancien port de Kheops, se rapportant à une activité métallurgique datant d’environ 3265 ans avant JC.
Le cuivre est utilisé depuis 150 ans comme pesticide dans l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle, pour ses propriétés antifongiques et antibactériennes (https://decodagri.fr/ole-cuivre-a-un-effet-nefaste-sur-lenvironnement/). Le cuivre est un métal lourd, non biodégradable, peu soluble dans l’eau (www.eea.europa.eu), et a un potentiel considérable d’accumulation dans les sols, conduisant à des altérations des communautés microbiennes et de la faune du sol. (Https://draaf.paca.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/expertise-cuivre-en-ab-resume-francais-2_cle07a86a.pdf)
La Commission européenne a classé le cuivre comme « substance candidate à la substitution » dans l’attente de possibles alternatives phytosanitaires. L’association Demeter a interdit totalement les utilisations phytosanitaires du cuivre.
Les DIU cuivre actuellement prescrits contiennent 180 mg de cuivre posés directement sur l’endomètre, ce qui représente plus de 100 fois la concentration normale de cuivre dans le sang. L’efficacité contraceptive du cuivre est liée au relargage d’ions cuivre sur l’endomètre, la concentration sanguine du cuivre libre (non liée à la céruléoplasmine son transporteur sanguin) n’a jamais été mesurée chez les utilisatrices de DIU cuivre.
Les métaux lourds, dont le cuivre, sont considérés comme des puissants perturbateurs endocriniens, et ont reçu la dénomination de « metalloestrogènes » en raison de leur interaction avec les récepteurs hormonaux, dont les récepteurs hormonaux présents dans l’utérus. L’action du cuivre sur les récepteurs hormonaux est connue depuis les années 1970 : “Progesterone receptor is more affected by copper ions than is estrogen receptor”. (Tamaya T & Al the mechanism of action of the copper intrauterine device. Fertil Steril. 1976). Le cuivre affecterait davantage les récepteurs à la progestérone, ce mécanisme pourrait être mis en perspective avec la résistance à la progestérone observée dans l’endométriose.
Comment a-t-on pu prescrire un métal lourd à introduire dans l’utérus des femmes ? Car le DIU cuivre a été mis sur le marché en 1970 dans un contexte moral et social radicalement différent d’aujourd’hui. En France, la contraception orale est autorisée par la loi Neuwirth le 19/12/1967, mais non remboursée et nécessitant une autorisation parentale pour les mineures avant 1974. L’interruption de grossesse est dépénalisée par la loi Veil en novembre 1974, loi entrée en vigueur en janvier 1975.
Ainsi lors de la mise sur le marché du DIU cuivre, les moyens contraceptifs mis à disposition des femmes étaient réduits, et la marge d’erreur contraceptive était rendue inexistante ou hasardeuse dans le contexte de pénalisation de l’interruption de grossesse. Le DIU cuivre a alors rendu service à de nombreuses femmes leur permettant de mettre fin aux grossesses répétées non désirées et à leurs risques obstétricaux.
C’était il y a cinquante ans. Utilise-t-on encore souvent des remèdes d’il y a cinquante ans dans la médecine et la chirurgie d’aujourd’hui ?
Il semble également que l’existence sur le marché depuis1970, d’un dispositif intra-utérin contenant le cuivre, métal lourd, puissant perturbateur endocrinien, est passée sous le radar de la Wingspread Conference en 1991, dénonçant pour la première fois les effets biologiques de certains composants chimiques.
Lors de la Wingspread Conference en 1991 dans le Wisconsin, Theodora Emily Colborn, Professeure, zoologue, pharmacologue et biologiste, a observé l’effet de composants chimiques sur les organismes vivants aquatiques. « …de nombreux produits chimiques présents dans l’eau sont absorbés par les animaux et que les femelles de ces derniers les transmettent à leur descendance – qu’elles soient vivipares ou ovipares – et y induisent des perturbations du développement fœtal, et notamment celui des organes sexuels. Il s’agit des dichloro-dyphényl-thrichloroéthane (DDT), phtalates, HCB (hexa-chloro-benzène), chlordécone, lindane, pyréthroïdes de synthèse, herbicides et leurs produits de dégradation » (universalis.fr/encyclopedie/colborn).
Theo Colborn a défini par perturbateur endocrinien toute substance exogène interférant avec la synthèse, le transport ou l’action des hormones. Le Diéthylstilbestrol, jadis prescrit aux femmes enceintes pour la prévention des fausses couches, sera le premier médicament perturbateur endocrinien à être étudié en particulier pour ses effets transgénérationnels.
Les principaux perturbateurs endocriniens connus actuellement sont les métaux lourds dont le cuivre fait partie, les détergents, les plastiques (phtalates, bisphénol), les pesticides, les dioxines.
L’effet perturbateur endocrinien du cuivre fait l’objet d’une littérature scientifique abondante concernant les modèles animaux. De plus la mort cellulaire induite par la surcharge en cuivre vient tout juste d’être définie sous le terme cuproptosis dans de récentes publications, apportant un questionnement supplémentaire sur l’effet de 180 mg de cuivre posés à même l’endomètre.
L’endométriose est définie par la présence de tissu « endométrium-like » à l’extérieur de l’utérus. Les premières descriptions de l’endométriose en tant que maladie bénigne sont dues à Thomas Cullen en 1920, Rokitanski ayant auparavant identifié la maladie mais sans établir son statut non néoplasique. Ces premières descriptions ont lieu dans le contexte historique de la Révolution Industrielle, laquelle a apporté son vaste lot de composés chimiques divers, altérant probablement déjà la santé humaine et animale, et l’environnement.
Les symptômes principaux de l’endométriose sont les dysménorrhées, les menstruations abondantes et l’infertilité. Or lorsqu’une patiente se plaint de dysménorrhée ou de menstruations plus abondantes sous DIU cuivre, elle se voit répondre que cela est normal sous DIU cuivre. Et c’est bien ce « c’est normal » d’avoir des règles douloureuses et abondantes qui a été à l’origine des retards diagnostiques critiques concernant les femmes atteintes d’endométriose.
Les perturbateurs endocriniens sont actuellement à l’étude, comme une des causes probables de l’endométriose et d’autres maladies gynécologiques.
L’introduction des mots clés « copper and gynecological diseases » et « copper and endocrine disruption » sur le moteur de recherche académique Google Scholar mentionne déjà de nombreux articles mettant en perspective le cuivre et les maladies gynécologiques, incluant le cancer du sein.
Les connaissances récentes interrogent sur la balance bénéfice risque du DIU cuivre, en présence de nombreuses alternatives contraceptives. L’usage du cuivre comme contraception féminine, connaissant sa toxicité aux doses supraphysiologiques, renvoie encore à la question de l’inégalité de genre en santé. L’usage des médicaments et dispositifs médicaux est-il réellement suffisamment évalué chez les femmes ?
Le public doit pouvoir bénéficier d’une information loyale, éclairée et compréhensible. Le principe de précaution doit intervenir, afin de ne pas continuer la longue liste des conduites thérapeutiques inappropriées concernant les femmes. (Distilben, Dalkon Shield, Thalidomide…).
La relation DIU cuivre endométriose a fait l’objet de communications lors de plusieurs congrès scientifiques en 2024 : SEUD Congress Genève, ESC Congress Bilbao, Paris Santé Femmes Paris, FIAPAC Bruxelles, COGI Congress Lisbonne.