Entre violences, erreurs officielles et soupçons d’instrumentalisation de l’appareil d’État, le scrutin présidentiel de 2025 laisse planer de sérieux doutes sur sa régularité. De nombreux observateurs appellent à un examen approfondi du processus, voire à son annulation.
Un pays paralysé par la peur et le désordre électoral
Les élections présidentielles de 2025 en Côte d’Ivoire, organisées par un président sortant également candidat, Alassane Ouattara, se sont déroulées dans un climat de tension extrême. Le pays a connu une succession d’incidents violents, de dysfonctionnements logistiques et un taux de participation historiquement faible.
Dans plusieurs localités, des citoyens ont été empêchés de voter. Des bureaux de vote ont été fermés ou incendiés, et du matériel électoral détruit avant, voire pendant, le scrutin. À Goudouko, Bouaflé ou Daloa, des images confirmées par des médias locaux montrent des bâtiments de la CEI et des urnes réduits en cendres. Ces attaques ont conduit les autorités électorales à annuler ou reporter le vote dans plusieurs zones rurales. Les routes de l’Ouest et du Centre ont été barricadées, paralysant la logistique électorale. Dans le Haut-Sassandra, des écoles ont été fermées pour raisons de sécurité — un scénario rappelant les périodes de crise politique des années 1990.
Un faible taux de retrait des cartes d’électeurs
Bien avant le scrutin, les signaux d’alerte étaient déjà là. La CEI elle-même a reconnu un taux de retrait des cartes d’électeurs compris entre 30 et 35 %, malgré la prolongation de l’opération de retrait des cartes d’électeurs. Ces chiffres, confirmés par les antennes locales de la Commission et relayés par la presse nationale, traduisent une désaffection majeure des électeurs. Retards dans la distribution, erreurs d’inscription et déplacement forcé de centres de vote ont contribué à exclure une partie de l’électorat, remettant en cause le caractère inclusif du processus.
Des violences communautaires et une absence de réaction de l’État
Le scrutin a également été émaillé de violences à caractère communautaire. À Nahiô, dans l’Ouest, des affrontements entre groupes affiliés à des partis rivaux ont conduit à l’incendie d’habitations et à plusieurs blessés et morts selon des témoins cités par la presse locale. Malgré la gravité des faits, aucune déclaration officielle n’a été publiée par le gouvernement pour exprimer la moindre compassion ou annoncer des mesures de soutien aux victimes. Ce silence d’État, dans un contexte de tension extrême, a choqué une partie de la population, d’autant que des communiqués ont été diffusés dans la même période sur d’autres sujets sans lien avec le drame électoral.
Des erreurs reconnues par la CEI en direct sur NCI
En plein cœur du dépouillement, le porte-parole de la CEI, Euloge Kuyo, a reconnu en direct sur la chaîne NCI avoir commis des erreurs dans la lecture des résultats provisoires.
« Je voudrais présenter mes excuses à mes compatriotes. Je me suis mépris lors de la lecture des chiffres de résultats de deux communes, notamment de Cocody… »
Cette séquence, devenue virale sur les réseaux sociaux, a profondément marqué l’opinion publique. L’aveu d’une telle erreur au moment le plus sensible du processus électoral a jeté une lumière crue sur les failles de la centralisation des résultats. Dans un pays où la confiance envers les institutions électorales reste fragile, cette reconnaissance publique d’une “méprise” a achevé de convaincre nombre d’observateurs que la CEI n’a pas su garantir la fiabilité et la transparence du dépouillement.
Usage des moyens de l’État pendant la campagne
Des journalistes et observateurs indépendants ont rapporté l’usage répété de véhicules administratifs, d’hélicoptères et de ressources publiques dans la campagne du parti au pouvoir. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des véhicules immatriculés au nom d’institutions étatiques participant à des convois politiques. La CEI avait pourtant rappelé, dans une note officielle, l’interdiction stricte d’utiliser les moyens de l’État à des fins partisanes. L’absence de sanction a nourri un sentiment d’impunité et renforcé la perception d’un déséquilibre flagrant entre les candidats.
Des convocations judiciaires visant l’opposition
Au lendemain du vote, plusieurs cadres de l’opposition, notamment du PDCI et du PPA-CI, ont été convoqués par la police. Accusés de détenir des armes de guerre, ces responsables politiques dénoncent des intimidations et une instrumentalisation du pouvoir judiciaire. Depuis plusieurs mois, des ONG et juristes ivoiriens soulignent la partialité croissante de la justice, dont les actions visent quasi exclusivement des opposants. Cette dynamique contribue à décrédibiliser davantage les institutions régaliennes, censées garantir l’équité et la neutralité du processus.
Des institutions en perte de crédibilité
Les faits désormais établis — destructions de matériel électoral, erreurs reconnues par la CEI, usage de ressources publiques, violences communautaires et répression ciblée de l’opposition — constituent un faisceau d’irrégularités majeures. Ils traduisent une crise de confiance structurelle entre les citoyens et les institutions, et posent la question de la validité juridique et politique du scrutin.
Des acteurs de la société civile et des observateurs internationaux ont appelé à un audit indépendant du processus électoral, estimant que les conditions minimales d’un scrutin libre et transparent n’ont pas été réunies. Dans ce contexte, l’annulation partielle ou totale des élections est désormais évoquée comme option légitime, afin d’éviter un cycle de contestations et de violences post-électorales.
Conclusion : une élection contestée, un pays à la croisée des chemins
Les faits avérés parlent d’eux-mêmes. Les élections de 2025 en Côte d’Ivoire ont été entachées d’irrégularités graves et documentées : erreurs officielles, violences, usage de biens publics, intimidation de l’opposition. Ces événements, loin d’être anecdotiques, touchent au cœur même de la démocratie.
Tant que les institutions resteront perçues comme partisanes et que le processus électoral ne garantira pas égalité, transparence et sécurité, la Côte d’Ivoire demeurera dans un cycle de méfiance et d’instabilité politique. Le moment est venu pour les autorités, la CEI et les acteurs politiques de tirer les leçons de ce scrutin — et, peut-être, d’envisager son annulation au nom de la crédibilité démocratique du pays.
Par LMEA
