frnlen

MEBA-Luxembourg: Objectifs de développement durable 2030, actualités, les mutilations génitales comme oxymore du sacré

MEBA-Luxembourg: Objectifs de développement durable 2030, actualités, les mutilations génitales comme oxymore du sacré

MEBA-Luxembourg: Objectifs de développement durable 2030, actualités, les mutilations génitales comme oxymore du sacré

/ SOCIETE / Wednesday, 26 February 2025 13:55
 Par Docteur Danielle Choucroun 

17 Objectifs pour le développement durable (ODD) ont été adoptés par les États membres de l’ONU à New York en septembre 2015. Ces objectifs doivent garantir la prospérité des populations et le respect de l’environnement.

Éducation, santé, égalité des genres sont au cœur des objectifs de développement durable, et concernent tant les États à haut niveau de vie que les pays les moins avancés, les plus vulnérables aux aléas économiques, climatiques et épidémiques.

La 77e Assemblée Mondiale de la Santé (AMS) s’est tenue à Genève du 27 mai au 1er juin 2024 et y a examiné plusieurs résolutions sous le thème « Tous pour la Santé, la Santé pour Tous ». Les conférences ont porté sur de multiples champs d’étude dont : la couverture médicale universelle, la résistance bactérienne aux infections, la santé des populations palestiniennes, la santé des populations ukrainiennes, l’exploitation sexuelle, l’urgence sanitaire, les thérapeutiques ayant recours aux tissus et organes humains, la santé maternelle et infantile, le congé parental, la dégradation de l’environnement secondaire aux activités humaines.

Le Directeur général devra rendre des comptes à la prochaine 78e Assemblée Mondiale de la Santé concernant l’efficience des mesures prises lors de la 77e Assemblée  en faveur  de la population palestinienne,  des destructions des infrastructures de santé sur leur territoire, de l’insécurité alimentaire y menant à l’affaiblissement immunitaire et à la famine, de la difficulté d’accès à l’eau potable et des conditions d’hygiène désastreuses que ces populations subissent au vu et su de la communauté internationale.

Le point 11.7 de l’ordre du jour de la 77e AMS le 01/06/2024 est relatif à « L’accélération des efforts entrepris pour réduire la mortalité de la mère, du nouveau-né et de l’enfant afin d’atteindre les cibles 3.1 et 3.2 des objectifs de développement durable ». Les progrès semblent stagner : « il est probable que plus de quatre pays sur cinq (80 %) n’atteindront pas leur cible nationale en matière de mortalité maternelle ». En fin de document, y est rappelée la cible 5.3 des ODD, à savoir l’élimination des pratiques préjudiciables : mariage précoce, mariage forcé et mutilation génitale féminine.

Les termes « mutilation génitale » désignent l’ablation totale ou partielle des organes génitaux externes en l’absence d’indication médicale.  Actuellement, les mutilations génitales féminines ont lieu en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie et concernent, selon l’OMS, plus de 230 millions de filles et de femmes. Quatre catégories de mutilation génitale féminine sont décrites, variant selon les actes pratiqués. La Convention d’Istanbul (Conseil de l’Europe), entrée en vigueur en 2014 et juridiquement contraignante, interdit et condamne les mutilations génitales féminines.

Les mutilations génitales féminines sont délabrantes physiquement, en particulier par les risques infectieux, hémorragique, cicatriciel, et laissent des séquelles définitives, physiques, psychologiques et sexuelles. L’excision peut également causer une rupture voire l’arrêt de la scolarisation des filles, pénalisant lourdement l’insertion sociale et professionnelle des femmes et des filles

La pratique de l’excision remonterait à l’Égypte antique bien avant la naissance et l’expansion de l’Islam au VIIe siècle de l’ère chrétienne. L’infibulation aurait été pratiquée sur les esclaves romaines, de manière à leur interdire définitivement la maternité et les assigner exclusivement au travail.

Au XIXe siècle, l’excision était pratiquée en Europe, sur prescription médicale, notamment afin de lutter contre la masturbation. « Si le clitoris se révèle une source d’excitation permanente, on doit le considérer comme malade et son ablation devient licite[1] ». Le Dr Isaac Baker Brown (1812-1873), membre du Royal College of Surgeons (UK), préconisait et pratiquait la clitoridectomie pour soigner certains troubles neurologiques. Son bannissement de la communauté médicale aurait été causé non pas par la réalisation de ces actes mutilants, mais par des rivalités professionnelles.

Le Dr William George Rathmann, médecin états-unien, sera publié en 1959 dans une revue scientifique, afin de promouvoir l’emploi de sa « pince à excision », instrument à usage chirurgical qu’il a lui-même conçu.

 La « pince de Rathmann » était destinée à faciliter l’excision du prépuce clitoridien ou la réduction d’un clitoris jugé hypertrophié.

Actuellement encore les mutilations génitales féminines peuvent être médicalisées, effectuées par des médecins appartenant aux communautés concernées, ou encouragés par des incitations financières.

Le pourquoi de ces mutilations génitales est au centre de nombreux débats, dans la logique qu’une meilleure compréhension des causes apporterait un commencement de solution. La situation contemporaine montre que les efforts sont à poursuivre, car les mutilations génitales féminines continuent, y compris sur les femmes et les filles résidant en Europe.

Une explication pourrait cependant se trouver dans la cosmogonie Dogon (région du Mali), rapportée par l’anthropologue français Marcel Griaule (1898-1956) dans son ouvrage Dieu d’Eau, entretiens avec Ogotemmêli. « Les incirconcis ne rêvent que de désordre et d’embarras » y apprend-on. Pour les Dogons, tout enfant venant au monde possède une androgynie spirituelle, le laissant dans un état instable. Prépuce et clitoris sont le support du sexe contraire, leur ablation répond à « la nécessité de débarrasser l’enfant d’une force mauvaise, nécessité pour lui de payer une dette de sang et de verser définitivement dans un sexe. »

Le « trouble dans le genre » n’est donc pas nouveau dans les sociétés humaines, et ici l’injonction normative se performe immédiatement dans la chair par le sacrifice rituel, confirmant le sexe comme construction sociale imposée.

La société est une forme d’organisation du vivant. Les sociétés humaines se distinguent des sociétés animales notamment par la séparation du profane, accessible à tous, et du sacré, désignant ce qui est séparé, qui doit être craint et respecté. Une des fonctions du sacré est la préservation du vivant. Les croyances et les représentations constituant le sacré fondent les hiérarchies sociales dont la hiérarchie du genre.

Si le sacré garantit la protection des personnes et des sociétés, le « sacrifice », sur le plan étymologique « faire du sacré » doit-il encore aujourd’hui imposer la mutilation ?

La mutilation génitale est l’oxymore du sacré : réalisée entre autres pour protéger, la mutilation génitale détruit.

Les conséquences de la mutilation génitale sont physiques, mentales, émotionnelles, sociales et économiques. Il n’y a pas de « petite mutilation ».

L’éducation (ODD 4), les connaissances techniques et scientifiques, les services de soins (ODD 3) doivent être accessibles à toutes et tous, afin de permettre l’évolution des comportements par une meilleure compréhension de ce qu’est l’humain et le respect de l’intégrité corporelle.

Il ne s’agit pas de renier le passé et le sacré, mais tout simplement de mettre à jour les savoirs, conformément aux évolutions scientifiques, en prenant acte des conséquences réelles observées des mutilations génitales sur la santé des personnes et au-delà.

Ce débat pourrait ne pas se limiter pas aux pratiques rituelles sur les femmes. Les hommes et les personnes aux organes génitaux externes intersexes en font partie.

 

Références

WHA77.5 Accélération des efforts entrepris pour réduire la mortalité de la mère, du nouveau-né et de l’enfant afin d’atteindre les cibles 3.1 et 3.2 des objectifs de développement durable

https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/female-genital-mutilation

https://oumma.com/quand-loccident-excisait-les-femmes-et-les-jeunes-filles   [1] J. -M Barreau, Critique des formes réactionnaires, Éditions du Panthéon, 2013, p. 100

Sheehan E. Victorian clitoridectomy: Isaac Baker Brown and his harmless operative procedure. Med Anthropol Newsl. 1981 Aug

Fleming JB. Clitoridectomy -- the disastrous downfall of Isaac Baker Brown, F.R.C.S. (1867). J Obstet Gynaecol Br Emp. 1960 Dec

https://www.sami-aldeeb.com/pince-inventee-par-un-medecin-juif-americain-pour-circoncire-les-femmes/RATHMANN WG. Female circumcision, indications and a new technique. GP. 1959 Sep PubMed

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov Female circumcision, indications and a new technique

 https://www.anthropomada.com/bibliotheque/DIEU-DEAU-Marcel-GRIAULE.pdf

Brit Shalom — Wikipédia

Please publish modules in offcanvas position.