CONNAISSANCES DE BASE SUR LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE    

CONNAISSANCES DE BASE SUR LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE    

CONNAISSANCES DE BASE SUR LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE    

/ SOCIETE / Tuesday, 09 September 2025 07:50

I. GENERALITES SUR LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE

 Par Dr Mukimbiri Jean 

La communication, selon Paul Watzlawick, est essentielle aux êtres humains et à la concorde sociale. Mais la communication interculturelle peut avoir lieu, ou ne pas avoir lieu entre ceux qui n’ont pas une culture et une langue communes. La communication interculturelle évoque les notions de culture, d’interculturalité et de diversité culturelle. D’après Gudykunst et Kim, les modalités de la communication sont fonction de la culture dans laquelle nous sommes nés et dans laquelle nous avons grandi. La langue, les règles et les normes varient d’une culture à l’autre. Comprendre la culture de l'autre facilite donc la communication culturelle.

 

En philosophie, le mot culture réfère à l’acquis, et non à l’inné. En sociologie, la culture a trait à ce qu’on a en partage et qui assure un grand degré  cohésion interne dans le groupe d’appartenance. Mais les différences culturelles ne doivent pas, raisonnablement, induire une non-communication sur le plan interculturel, puisque nous appartenons tous à la même espèce humaine.

 

Selon Henriette Mialy Rakotomena, la culture est un système de significations. Comme système de significations, la culture n’est donc pas innée. Ce système de significations qu’est la culture est un système qu’on apprend. Il s’acquiert. Et il est partagé par les membres d’un même groupe culturel. Pour Henriette Mialy Rakotomena, les significations sont un ensemble de croyances, de valeurs, de normes et de comportements auxquels est rattaché un ensemble d’individus.

 

C’est parce que la grille de lecture de la culture de l’autre peut nous manquer, ou peut nous échapper, que nous attribuons le caractère caché de cette culture à une autre nature chez autrui, ou à une nature autre, chez autrui, alors que sa nature est, comme la nôtre, la nature humaine. La communication interculturelle apparaîtra donc ici comme fait et comme facteur de prévention de racisme ou de xénophobie.

En fait, la culture est constituée d’une partie visible et d’une partie invisible. Retenir la seule partie visible au détriment de la partie invisible peut nous conduire à des interprétations erronées sur une culture différente de la nôtre. Une image concrétise l’idée relative à la partie visible et à la partie invisible de la culture. Cette image est celle de l’iceberg. Pour tout observateur étranger, la partie visible de la culture de l’autre représente bien peu, par rapport à la partie invisible de la culture concernée. L'image de l’iceberg de la culture devient plus concrète, si l'on parle de communication interculturelle. Dans le sens d'une communication entre deux personnes de cultures différentes, on se demande comment l'une des deux perçoit l'autre.

 

Il nous a été donné de beaucoup en apprendre, d’abord au cours de formations informelles sur la problématique en objet, ensuite au cours de notre formation formelle au Master Européen en Médiation et, enfin, au cours de nos relectures de l’un ou l’autre travail que nous avons, à titre privé, dirigé. Pour bien connaître la culture de l’autre, pour bien l’analyser et pour la bien interpréter, force est de partir de bonnes bases théoriques, pour bien baliser les faits et les gestes, par la suite. On aura compris qu’il ne faut pas se limiter à la seule partie visible de cet iceberg qu’est la culture.

 

Les différences fondamentales liées aux valeurs culturelles sont souvent invisibles. Or, ce sont ces différences fondamentales liées aux valeurs culturelles qui influencent fortement l'interaction entre des personnes ou entre des groupes.  Et ce sont les mêmes différences fondamentales qui influencent la capacité, ou non, de négocier un signifié commun au niveau interculturel. L’incapacité à négocier un signifié commun au niveau interculturel peut être génératrice de conflit sur le plan de la communication interculturelle. Reconnaître la diversité culturelle revient à la constatation et à l’exploitation positive de l'existence de cultures différentes, au bénéfice de notre commune nature humaine. C’est ici le lieu d’aborder les notions de Multiculturalité et d’Interculturalité.

 

La multiculturalité est différente de l’interculturalité. Multiculturalité désigne présence de plusieurs cultures dans une société donnée. L’interculturalité introduit une relation, une interaction entre les cultures. Dans tout contexte interculturel, plusieurs approches se trouvent en présence. Retenons les trois approches suivantes, face à tout contexte interculturel : approche anthropologique, approche psychoculturelle, approche psychologique. Pour l’approche anthropologique, toute personne humaine est perçue à travers une grille de lecture universelle, tandis que pour l’approche psycho- culturelle, la perception d’un homme est à rapporter à son groupe d’appartenance. L’approche psychologique, quant à elle, se focalise sur la spécificité, sur la singularité ou sur l’unicité de tout être humain.

 

Voilà qui amène à aborder la question du conflit interculturel. Interagir positivement ne peut qu’être bénéfique. Mais interagir positivement n’est pas toujours aisé. Force est d’acquérir des compétences interculturelles : chercher à comprendre l’autre, être capable d’expliquer son propre système de significations pour être compris par l’autre, souplesse ou flexibilité, apprendre la langue et la culture d’autrui, etc. Selon Geert Hofstede, déclic et prise de conscience de notre potentiel sont certes nécessaires pour parvenir à la compétence interculturelle. Mais, d’après Geert Hofstede, la compétence interculturelle est davantage l’ensemble des capacités qui ouvrent à une harmonieuse interaction.

 

La compétence interculturelle est fonction de plusieurs dimensions dont, notamment, dimension communicative, dimension cognitive et dimension affective. La dimension communicative réfère à la communication verbale et à la communication non verbale : articulation du langage, gestuelle, mimiques, communication comportementale, etc. La dimension cognitive renvoie à l’intelligence de la culture d’autrui et à la connaissance de sa propre culture. Quant à la dimension affective, elle a trait à la capacité d’attention pour comprendre la culture de l’autre.

 

II. LES OBSTACLES A LA COMMUNICATION INTERCULTURELLE

Laray M. Barna énumère six barrières à la communication interculturelle, à savoir une grande anxiété, présupposer la ressemblance au lieu de présupposer la différence, l’ethnocentrisme, préjugés et stéréotypes, mauvaise interprétation du non-verbal, la langue en raison notamment des interférences linguistiques et des malentendus.

Anxiété : Quand on est par trop centré sur soi, on ne se décentre pas pour se mettre à l’écoute de l’autre. Sur un autre plan, ne présupposons pas la ressemblance, présupposons la différence. A priori, partons de l’idée qu’il peut y avoir des différences culturelles. Evitons l’ethnocentrisme. Celui-ci conduit à nourrir un préjugé négatif au sujet de la culture de l’autre. Dans le pire des cas, l’ethnocentrisme va jusqu’à ignorer la richesse culturelle des autres.

Evitons également stéréotypes et préjugés. Le préjugé consiste dans l’intime conviction que l’autre est à apprécier sur l’échelle de la négativité. Le stéréotype, quant à lui, porte sur l’attribution, à l’exo-groupe, de telles ou de telles caractéristiques, généralement d’ailleurs non scientifiquement fondées. Il s’agit d’une généralisation abusive.

Stéréotypes et préjugés se placent donc généralement sous le signe de la négativité, car entachées par une vision partielle, partiale, parcellaire et donc susceptible de donner dans l’intolérance et dans le fanatisme sur fond de l’appartenance à une tribu, à une ethnie, à une nationalité, à une religion, etc., bref, à un groupe donné (Samovar et Porter, 1991: 281).

On a également noté qu’il peut y avoir une mauvaise interprétation du non-verbal. Cédric LIVET, comme ses devanciers,  trouve, en 2013, que 65% à 90% du système de communication des humains passent par le non verbal[1] : toute la gestuelle du toucher, du corps ; du visage, des bras, des mains, de la tête, des sourcils, du regard, la tonalité, le timbre, le volume et les harmoniques de la voix, la distance physique au cours des échanges, la gestion du temps, le décor, etc. Enfin, le silence est, ici aussi, une très importante modalité d’expression[2].

Dernier obstacle à la communication interculturelle : la langue. La langue n’est pas qu’un instrument de communication. La langue est une vision du monde. Pour avoir connu le monde à travers le langage, avise Jean-Paul Sartre, j’ai longtemps pris le langage pour le monde. D’autres renchérissent. Le langage est source de malentendu, avertit Albert Camus. Il n’y a de conflit que de langage, nous apprend Antoine de Saint-Exupéry. Force est donc de s’investir dans la connaissance de sa propre langue et de la langue d’autrui, pour mieux s’assurer une bonne communication interculturelle. On ne le dira jamais assez : la langue est le véhicule essentiel, ou l’incontournable vecteur de la culture. Pour Jandt, en 2001, les obstacles à la communication interculturelle peuvent être liés aux non-équivalences du vocabulaire, aux non-équivalences idiomatiques, aux non-équivalences expérientielles, aux non-équivalences conceptuelles. Levons l’hypothèque à la bonne compréhension de ces notions.

 

Equivalence du vocabulaire :  Ce n’est pas souvent qu’il y a équivalence du sens des termes dans deux langues différentes. Equivalence idiomatique : idiome signifie dialecte ou langage particulier, généralement lé à une région. Les natifs d’un même pays peuvent ne pas se comprendre, car tels mots, telles expressions n’ont pas le même sens d’une région à l’autre. Equivalence expérientielle : tout n’est pas facilement traduisible d’une langue à l’autre. Telle unité lexicale dans une langue peut ne pas trouver d’équivalent dans telle autre langue si, par exemple, l’unité lexicale renvoie à une réalité inexistante dans l’autre langue. Equivalence conceptuelle : l’entendement des idées, des concepts ou des valeurs n’est pas le même d’une langue à l’autre. Jandt donne l’exemple de l’idée, du concept ou de la valeur qui ont trait à la liberté.

 

Sur un autre plan, beaucoup plus général celui-là, les interférences linguistiques sont susceptibles d’entraver une bonne communication interculturelle. Ces interférences peuvent se manifester à plusieurs niveaux linguistiques : interférences linguistiques d’ordre phonétique, interférences lexicales, interférences grammaticales, etc.

III. Quelles compétences pour être un bon communicateur interculturel ?

 

Formation préalable à la culture de l’autre (Gertsen-1992), maîtrise des contextes de communication, avoir une bonne capacité de gestion des situations (Flye 1997), distanciation en référence à la situation de confrontation culturelle, exploitation positive des seuils de compatibilité interculturelle, etc., la liste des compétences culturelles et largement ouverte. Que faut-il, encore, pour être un bon communicateur interculturel ? Patience, souplesse, respect, empathie, curiosité, intérêt, ouverture d’esprit, tolérance des interférences linguistiques, éviter stéréotypes et préjugés, etc.

 

Brian W. Spitzberg (2007) est, entre autres, de ceux qui présentent les qualités d’un bon communicateur interculturel. Flye en 1997, et Iles, en 1995, mettent surtout l’accent sur le vocable de compréhension. Dans leur entendement, compréhension connote observation, analyse, déclic et prise de conscience, bref, c’est tout un processus d’apprentissage. Il va sans dire qu’un éclairage théorique est de nature à faciliter un tel apprentissage, ceci pour acquérir un réel pouvoir d’adaptation (Zhu, 2001).



[1] CINFO, cité par Cédric Livet, 2013,  Enquête sur l'importance de la reconnaissance du multiculturalisme dans le service à la clientèle, sur http://prezi.com/zcn6qnl-9xkh/enquete-sur-limportance-de-la-reconnaissance-du-multiculturalisme-dans-le-service-a-la-clientele/

[2] Véronique Schoeffel, et Phyllis Thompson, « Communication interculturelle I, CINFO,  novembre 2007, Zürich, p. 11

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