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Qu’ont fait les Banyamulenge pour subir la haine dont ils sont victimes aujourd’hui ?

Qu’ont fait les Banyamulenge pour subir la haine dont ils sont victimes aujourd’hui ?

Qu’ont fait les Banyamulenge pour subir la haine dont ils sont victimes aujourd’hui ?

/ POLITIQUE / Friday, 14 May 2021 15:30
Par Fulgence Kamali

Longtemps entretenue par des milieux extrémistes congolais, la haine se matérialise par des tueries et par des pillages des biens des Banyamulenge dans la province du Sud-Kivu, à l’Est du Congo, dans les districts de Fizi, Mwenga et Uvira. Conséquences : des milliers de réfugiés continuent à fuir leurs terres en laissant derrière eux tous leurs biens. 

Cette haine ne concerne pas seulement les Banyamulenge; elle concerne également d’autres Congolais d’ethnie tutsie. Selon les statistiques du Haut Conseil des Réfugiés congolais au Rwanda, 77,778 d’entre eux sont toujours réfugiés au Rwanda, depuis plus de 20 ans, sans espoir de retour, leur seul péché étant de parler Kinyarwanda.

 

Considérés comme étrangers dans leur propre pays… 

Certains milieux extrémistes congolais pensent que tous les Rwandophones ne sont pas de vrais Congolais. Par conséquent, ils doivent retourner au Rwanda, car la terre qu’ils occupent aujourd’hui n’est pas la leur. Les Banyamulenge ainsi que d’autres Congolais de langue Kinyarwanda sont des usurpateurs qui doivent retourner, de gré ou de force, dans leur pays d’origine qu’est le Rwanda. 

De plus, cela est assorti de théories complotistes de balkanisation du Congo au profit du Rwanda voisin. Inventé au XIXème siècle pour décrire les conflits inextricables qui poussaient les pays formant le bloc Sud-Est de l'Europe (les Balkans) à se déchirer dans d'interminables divisions, ce terme est aujourd’hui vulgarisé par des extrémistes, pour entretenir une haine raciale dirigée contre les Rwandophones congolais d’ethnie tutsie. 

Pourtant, les Banyamulenge comme d’autres Rwandophones, ont leurs terres ancestrales dans ces régions de l’Est qui se sont retrouvées dans ce pays appelé Congo, qui a été créé, de toutes pièces, par la Conférence de Berlin. Dans de nombreux villages et sur de nombreuses montagnes au Sud et au Nord Kivu, le Kinyarwanda est parlé depuis des siècles. Ces régions ont été habitées par les Rwandophones bien longtemps avant la colonisation des Belges.

Ceux qui contestent leur légitimité en tant que citoyens congolais au même titre que les autres tribus, oublient qu'il n'a jamais existé un Congo comme nation sans eux. Dans le Congo actuel, des centaines de communautés parlant des langues différentes et provenant de plusieurs royaumes hétéroclites se sont retrouvées dans un pays qu'ils n'ont jamais conquis ni choisi.

Pour certains analystes, personne n'est plus congolais que l'autre, dans la mesure où ils habitaient dans ce territoire au moment du partage de l'Afrique. Il en va de même pour celui qui a été naturalisé par la suite. 

 

Les Banyamulenge habitent les terres ancestrales

La communauté Banyamulenge vit au Sud-Kivu, bien avant l’arrivée des colonisateurs belges, et donc bien avant la Conférence de Berlin de 1884-1885 qui fit le découpage de l’Afrique, au profit des pays occidentaux, en négligeant les données géographiques, humaines et traditionnelles de l’Afrique, parce qu’elles ont été établies selon les intérêts des puissances coloniales.

Ces nouvelles frontières ont divisé des peuples ayant les mêmes langues, les éloignant de leurs frères et de leurs sœurs, de culture et de langue, comme le Kinyarwanda. Plus de 170 peuples, y compris les Banyamulenge se sont retrouvés éparpillés à travers plusieurs États, y compris la République démocratique du Congo. 

C’est dans ce cadre qu’on retrouve des peuples de même ethnie parlant la même langue dans deux pays voisins, comme c’est le cas des Rwandophones vivant au Congo à l’Ouest du Rwanda, et en Ouganda au Nord du Rwanda.

Il faut ici souligner que le problème des minorités ethniques et linguistiques n’est pas propre aux Rwandophones qui sont accusés d’avoir occupé des terres qui ne sont pas les leurs par différents extrémistes et nationalistes de tous bords. À titre d’exemple, les peuples Touaregs, qui sont constitués de populations berbères nomades, sont répartis en cinq États, c’est-à-dire le Niger, le Mali, l’Algérie, la Libye et le Burkina Faso, où ils représentent des minorités homogènes.

Les Banyamulenge ainsi que d’autres populations rwandophones, ne demandent qu’à être reconnus comme des citoyens congolais à part entière et à ne pas toujours constituer les boucs émissaires dans toutes les perturbations qui secouent la République démocratique du Congo depuis son indépendance en 1960. Ils ne doivent plus subir l'indexation des extrémistes congolais et subir des accusations de toutes sortes, comme la méfiance, le mépris, la haine, et parfois même la violence, qui les désigne collectivement comme étant à la base de tous les malheurs. 


Intangibilité des territoires et légitimité citoyenne pour des minorités

La question des nationalités, pour des peuples qui ont été séparés de leurs communautés d’origine par le découpage colonial, constitue un enjeu crucial pour les perspectives de paix et de stabilité en Afrique et en République démocratique du Congo en particulier. Si l’Union Africaine, ainsi que la communauté internationale n’entreprennent pas de changement, pour surmonter les défis liés à ces peuples minoritaires, il y a un risque de voir se déclencher d’autres conflits et d’autres génocides, et de perdre, par la même occasion, des possibilités de paix et de développement durable.

Le principe d’intangibilité des frontières héritées de la colonisation a été adopté par la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernements de l’Organisation de l’unité africaine (OUA). La Conférence, qui s’est tenue au Caire, le 21 juillet 1964, stipule que tous les États membres s’engagent à respecter les frontières au moment où ils ont accédé à l’indépendance. Ils devront aussi inspirer tous les hommes politiques africains actuels à respecter les peuples qui se sont retrouvés dans différents pays sans leurs consentements.

Il n’y a donc pas de légitimité, pour les extrémistes congolais, qui contestent la nationalité des Banyamulenge ainsi que celle d’autres congolais parlant Kinyarwanda. Les Banyamulenge doivent être considérés comme des citoyens congolais vivant dans le pays avant la Conférence de Berlin. 

La haine raciale contre les Banyamulenge aujourd’hui fait craindre un autre génocide. La communauté internationale devrait intervenir, pour que ce massacre de masse ne puisse pas se transformer en un autre génocide comme celui qui a été perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994. 

 

Il faut se rappeler que le Congo, en tant que pays, n’a jamais existé sans eux. Ils ont été congolais en même temps que leurs compatriotes, sans avoir été consultés. Tout a été décidé durant la Conférence de Berlin, qui s’est tenue sans représentants de “futurs Congolais.”

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