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Une presse africaine porteuse des idées politiques et révolutionnaires

Une presse africaine porteuse des idées politiques et révolutionnaires

Une presse africaine porteuse des idées politiques et révolutionnaires

/ POLITIQUE / Monday, 18 October 2021 18:33

source photo: france24

 Par Jean Paul HABIMANA 

A la veille des indépendances, soit au début des années 60, naît une presse pluraliste et politique en Afrique. Pour la première fois, des journaux privés dirigés par les Africains virent le jour. Ce changement n’a rien d’un accident qui, par essence, survient sans crier gare. Car, après la Seconde Guerre mondiale, la mentalité des puissances coloniales a évolué rapidement. C’est ainsi que les Africains acquièrent les nouveaux droits politiques offrant l’opportunité inespérée aux autochtones de résoudre leurs problèmes sociopolitiques. Ainsi émerge une presse d’opinion dirigée par les leaders africains eux-mêmes. La majorité des présidents des premières années de l’indépendance savaient la pertinence et la puissance de la presse. A ce propos, Thierry Perret note avec justesse : « Et les futurs leaders indépendantistes savent utiliser ce relais  indispensable : on  cite Azikiwe au Nigeria, mais c’est aussi l’exemple de Nkrumah qui fonde en 1948 l’Evening News, de Julius Nyerere au Tanganyaka, le président du parti national ayant créé un titre en anglais et en swahili, SautiyaTanu, auquel succède plus tard le National Times ». 

En Rhodésie, Kenneth Kaunda, futur président zambien, se signale d’abord comme journaliste. Et l’on rappellera qu’un Tsiranana, à Madagascar, qu’un Mobutu  au Congo belge, pratiqua le journalisme. »  Ces informations livrées par Thierry Perret dans son ouvrage Le temps des journalistes, l’invention de la presse en Afrique francophone, sont la preuve que les médias africains, dès leur naissance, étaient porteurs des idées politiques et révolutionnaires que l’on cherche à leur inculquer aujourd’hui, soixante ans plus tard !

Pourtant, dans la plus grande partie de l’Afrique, la presse africaine reste entre les mains des Européens. C’est le cas notamment d’une bonne partie de l’Afrique occidentale française (A0F) et l’Afrique de l’Est. Mais nonobstant ce qui ressemble fort bien à une tare congénitale, la presse reste porteuse des revendications nouvelles.

Aux côtés de cette presse politique et privée, se développait une presse d’avant-garde en Afrique qui jouait un rôle important dans les revendications des nouvelles idées politiques. Nous pouvons citer, à ce sujet, l’Afrique nouvelle dont le tout premier numéro sort en 1947 à Dakar. Cette publication était diffusée dans toute l’Afrique occidentale française et a atteint un tirage considérable lui assurant, dans le temps, un succès incontestable. Nous citerons à titre d’exemple l’Effort camerounais ; actif actuellement, le journal Kinyamateka au Rwanda, le premier journal rwandais émanant de l’Église catholique datée de 1930. Ce journal fut animé par l’Abbé Alexis Kagame, également philosophe rwandais. Le roi Rudahigwa considère le journal Kinyamateka comme un canal de transmission de messages et d’idées politiques à un public plus large. Il participa également aux conférences de rédaction et rédigeait des articles qui seront publiés dans le journal. Plus tard, Kayibanda Grégoire fut le Rédacteur en chef de Kinyamateka où il publiait des idées révolutionnaires et des revendications contre la monarchie. Kayibanda devint le premier président du Rwanda indépendant.

Cependant, cette presse pluraliste et revendicative, qui a donné le pouvoir après l’indépendance, à presque tous les premiers présidents africains, fut supprimée par ceux-là même qui s’en ont servi comme tremplin vers la magistrature suprême de leurs pays surtout en Afrique francophone, sous prétexte de la nécessité de l’union nationale qui mène au parti unique et qui assimile l’information à la propagande, tout en faisant des journalistes des fonctionnaires. Ainsi André-Jean Tudesq note à ce propos, dans son ouvrage Les médias en Afrique, paru en 1999, aux éditions Ellipses, p.5, que « Dans plusieurs pays devenus indépendants autour des années 60, le pluralisme de la presse a disparu, surtout en Afrique francophone, au nom de la nécessité de l’union nationale qui mène au parti unique et qui identifie l’information à la propagande tout en faisant des journalistes des fonctionnaires. »

La tradition de la liberté de la presse qui s’était implantée en Afrique anglophone a laissé persister cependant au Nigeria, au Ghana, au Siéra Léone, au Liberia, au Kenya des journaux indépendant du gouvernement à côté des médias d’État.

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