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Conférence 17 juin: Diversité et égalité des chances. Exil et diaspora : « Exile-toi afin de te renouveler » Abu Tamman

Conférence 17 juin:  Diversité et égalité des chances. Exil et diaspora : « Exile-toi afin de te renouveler » Abu Tamman

Conférence 17 juin: Diversité et égalité des chances. Exil et diaspora : « Exile-toi afin de te renouveler » Abu Tamman

/ SOCIETE / Thursday, 22 June 2023 19:32
Conférence 17 juin:  Diversité et égalité des chances. 

Exil et diaspora : « Exile-toi afin de te renouveler » Abu Tamman
 
Par Docteur Danielle Choucroun 

L’exil est un départ dans un contexte de violence politique, économique, parfois familiale devant une situation impossible à tenir. L’exil a souvent pour conséquence de renoncer à sa position sociale. De 16 à 25 ans, on part pour apprendre, à l’âge moyen, la recherche d’une vie meilleure ou tout simplement d’une vie vivable ordonne le départ.

L’exil casse l’attachement aux lieux, aux choses, aux personnes : pour l’humain l’exil est ontologique et toute vie est un exil car il faudra partir un jour.

Ulysse et Œdipe sont les figures emblématiques du déplacé. Ulysse, tout jeune marié part faire la guerre de Troie pour, à son retour, errer encore dix ans avant de retrouver les siens. Œdipe, abandonné à sa naissance à la suite de la prédiction d’un oracle, est élevé par le roi Polybe, la quête de ses origines le mènera au drame et à l’errance.

La légende de Tariq Ibn Zyad remonte au début du VIIIe siècle : le commandant Berbère inaugure la conquête de l’Espagne, parvenu sur la péninsule ibérique, Tariq brûle ses navires, ne laissant pas d’autre choix à ses troupes que d’affronter les populations locales, rendant le retour impossible. Faut-il faire de ses souvenirs des épaves pour laisser le champ libre à la construction du futur ? Par le départ du Prophète de La Mecque, l’Hégyre peut enseigner que l’exil libère de la faiblesse.

Le déplacement peut répondre à une mécanique transgénérationnelle tacite, amenant à répéter malgré soi la perte et les départs subis par les anciens.

Mais qu’est-ce qu’un humain ?

L’humain est la seule espèce à disposer du savoir et de la technique lui donnant le pouvoir de modifier le monde : la rançon de la connaissance est l’effort, le questionnement et aussi le doute, la culpabilité, la honte.

La principale menace pour l’humain est lui-même.

L’exil oscille entre la crainte du départ et le besoin de partir : la transculturation apporte des émotions contradictoires mêlant la nostalgie du pays d’origine, son idéalisation et le sentiment de perte d’identité.

Dans le pays d’accueil la réalité n’est plus celle imaginée, les conditions matérielles sont celles du sacrifice.

Le déplacement peut conduire à la dissociation mentale : loyauté au passé et à sa Culture, obéissance aux nouveaux modes de vie, porteurs de valeurs très différentes.

La pression est maximum : euphorie d’être là mais culpabilité, anxiété, peur de ne pas être à la hauteur, d’échouer ce parcours migratoire, pauvreté du nouvel arrivant qui impacte le corps et le mental, et paralyse l’imaginaire.

Troubles dépressifs et troubles de l’identité surviennent à la suite de l’irruption de la violence politique et/ou économique jusque dans l’intime de la personne.

L’exil est un défi : élaborer la souffrance nostalgique, accepter le remaniement de l’identité et faire s’exprimer les aspects les plus créatifs de soi.

 La langue constitue la première institution du pays. Son acquisition conditionne le succès du projet migratoire et la perception du pays d’accueil comme nouveau foyer.

 Parvenu dans le pays d’accueil, le déplacé découvre une nouvelle frontière invisible : d’un côté les ayants-droits, de l’autre les laissés pour compte, clandestins sans droit humain et humains sans droit, privés d’existence sociale, proies faciles de l’anéantissement.

  Peut-on parler d’anomie politique, lorsque les personnes déposent une demande d’asile, demande qui ne donne droit ni au travail, ni à une aide sociale, plaçant la personne dans l’isolement et la vulnérabilité face à la traite humaine…

La diaspora comme concept biologique

La diaspora se constitue à la confluence de la notion d’ethnie et du phénomène migratoire.

Il y a revendication identitaire d’appartenance à un groupe qui fait face à une question nationale non résolue, dans un contexte de domination politique.

La mobilité géographique réactionnelle à un évènement traumatique est euphémisée : le terme réfugié est glamourisé par le terme diaspora, occultant isolement, perte du passé et futur hypothéqué.

La création d’une appartenance par le mot diaspora semble vouloir adoucir la perte du territoire en tentant de le recréer, idéalisé au moins sur le plan symbolique.

Le mot diaspora subvertit le sentiment de pitié que suscite le réfugié en une perspective réunissant passé et avenir par la construction double de la mémoire et d’un futur mythique.

Il fallait un terme pour sublimer l’expatriation, déplacement forcé, effraction mentale dans la dimension psychologique et véritable viol identitaire dans la dimension citoyenne.

Le déplacement est le plus souvent imposé par un rapport de force en défaveur du déplacé, le terme diaspora élabore une histoire masquant l’humiliation de la perte et des violences subies.

Comment survivre lorsque la personne est démunie de tout et que les besoins vitaux sont mis en péril ?

 Le terme diaspora dépasse les champs sociologiques et historiques : le terme diaspora a réellement une dimension biologique pour la reconstruction de soi par la création d’un lien d’appartenance, de rites de mémoire et d’un mythe pour l’avenir.

La domination dans un rapport de force inégal et sans possibilité de défense inscrit la rupture et la perte dans les gènes, condamnant chaque génération à rejouer le départ, quitte à en créer les conditions.

Au réfugié, le mot diaspora redonne l’idée de la permanence : exister demande un peu d’avenir.

Le mot diaspora habille de politesse la cruauté d’un monde sous emprise d’une géopolitique de la domination et de la loi du plus fort. L’humain a besoin de contes, car sa plus grande menace est toujours lui-même.

Le crime et l’abus sont incorporés dans les nouvelles croyances diasporiques, afin de faire renaitre l’espoir des cendres de ceux qui n’ont pas survécu.

L’isolement du réfugié, sa peur et la honte d’être victime sont ainsi sublimés dans une nouvelle organisation du vivant, et le mot diaspora en constitue la condition de survie.

L’humain est-il nomade et l’humanité une masse migrante ? parle-t-on d’espace ou de territoire ?

La diaspora maintient vivante l’identité amputée par arrachement de son territoire.

Le territoire est dématérialisé pour devenir rêvé, imaginé et mythifié dans un projet collectif de faire renaitre la solidarité.

Le territoire n’est plus extérieur à la personne mais incorporé en valeur à défendre, soutenue par des rites, des commémorations et le mythe d’une terre promise.

Le droit ne concerne plus le sol mais la mémoire, animée par la langue et la religion

La diaspora, fluide biologique d’une communauté, unit mais dissocie l’identité de la nationalité. Les normes diasporiques affrontent celles du pays d’accueil, défi identitaire ultime à la violence politique qui les a créées.

 

Le trauma racial

L’intégration des populations noires aux USA a-t-elle eu lieu ?  

L’égalité formelle masque la discrimination réelle concernant la santé, l’éducation, l’emploi, dans lesquels les populations noires sont massivement représentées en bas de l’échelle.

« Les personnes sont malades, car leur environnement l’est » Dr Norman Ajari, philosophe

Esclavage, colonialisme ont fait des personnes racisées des objets

L’exeat est amer : les victimes et leurs enfants restent dans la quête sans fin de la reconnaissance et de l’acceptation de l’autre

« L’expérience quotidienne de l’inégalité, de la discrimination, de la ségrégation, des injures, de la dépossession de soi, de ses biens et de sa Culture, cela rend fou »

Le Pr R.T. Carter, Columbia, met en perspective les situations de racismes et, comme conséquence possible, l’état de stress post-traumatique rencontré chez les victimes de violence.

Les symptômes observés sont nombreux : reviviscences, flashback, hallucinations, évitement, excitation, instabilité émotionnelle, culpabilité, tristesse, faible estime de soi, et aussi dissociation et amnésie.

 Ces symptômes correspondraient à de véritables altérations des structures neurologiques du système limbique : amygdale cérébrale hyperactive, atrophie de l’hippocampe en cause dans les troubles de la mémoire, cortex cingulaire antérieur dysfonctionnel, pouvant expliquer la difficulté de contrôle des émotions

 Les conséquences peuvent être également somatique avec l’augmentation d’incidence de toutes les maladies, particulièrement les maladies métaboliques et les cardiopathies.

 

L’exil place les personnes en situation de vulnérabilité : la représentation en diaspora est une tentative d’étayage et de reconstruction au minimum symbolique pour une vie vivable. La personne racisée déplacée affronte des défis multiples :

-         Sur le plan culturel, pour les sociétés dont le développement s’est fait au prix de l’injustice et du sacrifice imposé à certains,

-         Sur le plan personnel, dans les dimensions physique, mentale et émotionnelle.

 

 

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