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L’État de la Diaspora Africaine, une gymnastique de l’esprit qui peut devenir réalité

L’État de la Diaspora Africaine, une gymnastique de l’esprit qui peut devenir réalité

L’État de la Diaspora Africaine, une gymnastique de l’esprit qui peut devenir réalité

/ POLITIQUE / الثلاثاء, 20 نيسان/أبريل 2021 18:13
source photo: https://intellivoire.net/
 
Par Sneiba Mohamed

La diaspora africaine pourrait-elle constituer un jour le 55ème État de l’UA ? Si pour Louis-Georges TIN, ancien président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) de 2011 à 2017, qui se présente désormais comme le Premier ministre de l’État de la Diaspora Africaine (EDA) le rêve est en train de devenir réalité, d’autres organisations de la diaspora considèrent qu’il s’agit d’une manœuvre aux objectifs inavoués.

Lors d’une interview accordée à TV5 Monde, Louis-Georges TIN présentait l’EDA ainsi : « l’État de la Diaspora africaine est une entité qui a vocation à rassembler les 350 millions d’afro descendants. Qu’ils soient immigrants d’il y a dix à vingt ans ou déportés, il y a des siècles, comme esclaves vers le vieux continent (Europe) ou le nouveau monde (Amérique), tous ces gens font partie de l’Afrique, malgré tout. »

Il affirma que l’Entité est reconnue par l’Union africaine, en évoquant le sommet de l’UA à Nouakchott, en juillet 2018, où certains comme l’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel AZIZ, pensaient qu’il fallait transformer une réalité constitutionnelle en réalité effective.

Pour le Premier ministre de l’EDA, « Il ne s’agit pas, comme on peut le croire, d’une velléité de ‘‘ sécession’’ de la Diaspora africaine s’érigeant en État indépendant, malgré les origines différentes de ses ‘‘ressortissants’’ mais bien d’une volonté de rassemblement devant laquelle peine encore l’UA elle-même par les retards de mise en œuvre de sa politique d’intégration économique à travers la ZLECAf (zone de libre-échange continentale africaine).

Et Louis-Georges TIN poursuivi en disant : « tous les gens qui ont quitté l’Afrique pour une raison ou une autre veulent y retourner un jour ou, du moins, entretenir des relations solides avec elle. L’Afrique doit se renforcer par sa diaspora et la diaspora doit avoir le soutien de l’Afrique. »

A la question « pourquoi vous ? », Louis-Georges TIN répond : « Et pourquoi pas moi ? » Il affirme avoir été sollicité, mandaté même, pour faire ce travail. L’EDA devrait fonctionner ainsi comme un véritable État, avec un gouvernement de 20 membres respectant la parité (10 hommes et 10 femmes), qui viennent de tous les horizons (Brésil, USA, Panama, Inde, Angleterre, etc.), un parlement avec plusieurs branches (Europe, Amérique du sud, du centre et du nord) et une constitution.

Évoquant les objectifs de l’EDA, le Premier ministre Louis-Georges TIN déclare qu’il s’agit surtout d’organiser les échanges entre l’Afrique et sa Diaspora. Il faut, dit-il, passer de la théorie (une constitution) à la pratique en mettant en place des projets concrets profitant à l’Afrique : la télémédecine et la restitution des objets d’art volés sont les premiers résultats allant dans ce sens, estime-t-il. Le vote par le Parlement européen d’une résolution portant sur la restitution et la réparation, est une décision à mettre en œuvre avec le concours des États africains, pense le Premier ministre de l’EDA. Cela démontre qu’il ne s’agit pas seulement d’une structure virtuelle, mais bien d’objectifs sociaux et économiques à concrétiser rapidement.

Critiques tous azimuts

Dès l’annonce de la naissance d’un « État de la Diaspora Africaine », l’on a assisté à une levée de boucliers de la part d’organisations d’Afro-descendants dont certaines n’hésitent pas de qualifier l’initiative de Louis-Georges TIN « d’énième enfumade autour du Panafricanisme ». C’est le message que porte l’initiative de la Fondation Frantz Fanon au nom d’organisations comme la Ligue Panafricaine, l’UMOJA et le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) qui dénonce « la mise en place d’un Etat de la diaspora d’ascendance africaine initié de manière unilatérale et au nom d’un panafricanisme dévoyé ». 

Ces organisations vont même plus loin dans leurs critiques tous azimuts, évoquant « un véritable coup d’État commis par Louis Georges Tin, autoproclamé Premier ministre, qui a décidé de disposer à sa guise de millions et de millions d’Afro-descendants et d’Africains, en s’appuyant sur des entités multinationales et transnationales. De facto, il se comporte de la même façon que ceux qui avaient colonisé le continent africain. Il s’appuie sur le groupe GRAALEO, incluant de nombreuses banques qui mènent campagne pour une monnaie de type bitcoin avec l’objectif « de devenir une entité privée universelle » afin de structurer et de donner sens à la data financière (…) en Afrique, ce qui est bien éloigné des objectifs du panafricanisme visant à l’émancipation et à l’unité africaine. »

Les origines du malentendu 

Les adversaires de Louis-George TIN lui reprochent d’avoir transmuté une volonté vers une autre, passant du statut de Sixième Région, reconnu par l’UA en 2003 pour la diaspora, à celui d’un « État de la diaspora africaine » dont il s’est autoproclamé « Premier ministre ».

Ils considèrent que, « Si l’Acte Constitutif de l’Union Africaine encourage la Diaspora à prendre des initiatives, la création d’un tel État au nom de plusieurs centaines de millions de personnes, sans un vote et une résolution claire de l’UA, ne constitue qu’un coup d’état, un acte parfaitement colonial qui ne saurait être confondu avec les efforts menés au nom du panafricanisme. »

Outre le refus de la dénomination EDA, que l’UA aurait demandé à M. Tin d’abandonner, ses contradicteurs dénoncent aussi des structures non élues (Premier ministre, parlement), même s’ils semblent accepter une « constitution » rédigée par les instances de l’UA. Le rejet de l’EDA par ces organisations est ainsi sans appel : cet « État de la Diaspora Africaine » avec des députés non-élus et des modifications de constitution réunit toutes les tares anti-démocratiques que nous combattons au niveau des États réels. La diaspora africaine ne saurait se reconnaître dans une démarche qui ne représente qu’un seul individu préemptant des millions et des millions d’Afro-descendants. »

Plutôt que de considérer la démarche de Louis-George TIN comme un pas vers l’intégration des Afriques, celle de la Diaspora et celle du Continent, les organisations qui s’opposent à ce projet le rangent dans la même case que « les nouvelles politiques de prédation en Afrique » à connotations « néolibéral et néocoloniale » comme la nouvelle Françafrique, le Conseil présidentiel pour l’Afrique, la Saison Africa France 2020 ou encore la rencontre organisée par l’Élysée en juillet 2019 avec « la diaspora africaine. Autant d’initiatives qui ne font que renforcer la confusion, la division et l’amalgame pour empêcher le panafricanisme révolutionnaire d’aboutir à un processus d’émancipation et à l’unité de l’Afrique. »

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