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Par Sneiba Mohamed
Les dernières élections en Afrique se sont toutes déroulées sans la présence d’observateurs de l’Union européenne. Non pas que l’UE, qui a eu un rôle actif dans la démocratisation de l’Afrique, au début des années 1990, ait renoncé à encourager la poursuite du processus, mais parce que le surgissement de la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19), fin 2019, a conduit au confinement dans la totalité des pays du monde et favorisé la tenue d’élections « en vase clos ».
Malgré la pandémie du nouveau coronavirus, l’année 2020 a été celle où plusieurs pays africains ont organisé des élections. Onze nations ont tenu des élections présidentielles : le Burkina Faso, le Burundi, la Centrafrique, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Malawi, le Niger, les Seychelles, la Tanzanie, le Togo et une quinzaine de pays ont organisé des législatives ou des régionales.
Dans un contexte de pandémie préoccupante, la tenue de ces élections était perçue comme une aubaine par certains pays où la démocratie est très souvent écorchée par des pratiques de fraude à grande échelle. L’observation est une garantie pour la transparence des élections ou, du moins, l’assurance que quand quelque chose ne va pas (bourrage des urnes, manipulation de la liste électorale, oppression, etc.), il y aura quelqu’un d’indépendant pour dénoncer ces agissements d’un autre âge. Elle est assurée, souvent, par l’Union Africaine (UA), la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), mais surtout par l’Union européenne (UE) qui a une bonne expérience dans le domaine.
Empêchés, pour force majeure (Covid-19) d’effectuer ce service de « salubrité démocratique » dont l’Afrique a besoin, les observateurs de l’UE ont manqué ces rendez-vous et laissé un grand vide qui se remarque à tous les niveaux par le non-respect des clauses de la Déclaration de 2005 sur les Principes de l’Observation des Élections et sur le Code de Conduite des Observateurs Internationaux des Élections. En témoignent, par exemple, les polémiques et crises électorales survenues en RDC, au Niger et au Tchad, pour ne citer que les plus récentes de ces élections qui continuent encore à diviser.
L’espoir de voir les observateurs de l’UE reprendre du service, lors des élections législatives en Éthiopie, le 5 juin prochain, vient de s’éteindre avec le communiqué dans lequel le Haut représentant aux Affaires extérieures européennes, Josep Borrel, a regretté n’avoir pas obtenu de garanties suffisantes pour assurer son indépendance. Le point de discorde entre Bruxelles et Addis-Abeba : le « refus du respect des exigences standard pour le déploiement de toute mission d’observation électorale », notamment que les observateurs européens disposent de leur propre système de communication. On peut regretter cependant que l’UE n’ait pas renoncé également à l’appui de 20 millions d’euros consentis à ces élections et qui, sans la garantie de la transparence, risquent de se perdre dans les méandres d’un scrutin « non-conventionnel » parce que sans observateurs dignes de foi.
La mission d’observation de l’UA, toujours maintenue, elle, n’offre aucune garantie de transparence parce que, de mémoire, elle n’a jamais donné un avis contraire à celui des commissions électorales « dépendantes » choisies par les pouvoirs africains, le plus souvent sans concertation aucune avec leurs oppositions !
On se désole donc de constater, trente ans après le déclenchement, ce qui est appelé, à tort ou raison, le processus de démocratisation en Afrique, qu’il s’agit d’un simple mirage. L’Afrique a besoin d’un remède de cheval pour avancer sur la voie de la démocratie, seule à même de sortir des crises à répétition qui la secouent depuis les indépendances.