Par MARIEME BA
À quatre mois des élections législatives prévues pour le 31 juillet 2022, le débat sur le parrainage électoral bat son plein. Différents acteurs politiques de l'opposition ainsi que de la société civile ne cessent de crier leur désaccord sur ce système de filtrage mis en place par par le pouvoir de Macky Sall pour barrer la route à ses adversaires. Les candidatures indépendantes ou coalitions politiques sont confrontées à la complexité du parrainage. Depuis 2019, la polémique reste vive par l'invalidation de certaines listes à cause de cette recherche de représentativité et de légitimité. Il est considéré par certains politiques comme un filtre que l’Etat utilise pour sélectionner les éventuels participants. Le consensus politique sur ce point est capital pour des élections apaisées, libres et transparentes au Sénégal.
Le parrainage électoral, ce mode de présélection des différentes candidatures par des citoyens électeurs est devenu un préalable pour la participation aux échéances électorales. Ce système est mis en vigueur par la révision de l'article 29 de la constitution du 19 avril 2018 et celle du code électorale du 18 juin. Toute candidature à une élection, présentée par un parti politique légalement constitué, par une coalition de partis politiques légalement constitués ou une entité regroupant des personnalités indépendantes, est astreinte au parrainage par une liste d'électeurs. Le fait d'être parrainé par des électeurs sénégalais représente une caution morale comme condition sine qua non de participation aux élections présidentielles et législatives.
La période de collecte des parrainages est ouverte 180 jours avant la date du scrutin, à la date de fixation du montant de la caution. Elle dure quatre mois durant laquelle les potentiels candidats parcourent le territoire national à la quête de signatures légitimant leur participation.
Le conseil constitutionnel organise le contrôle et la vérification des déclarations de candidatures suivant l'ordre de dépôt. Suite aux vérifications de validité, le conseil consultatif notifiera aux mandataires concernées les dossiers invalidés à cause du parrainage 43 jours avant le scrutin. Les invalidés n'ont que 48 heures pour régulariser en remplaçant le ou les parrains invalides.
Cependant, plusieurs acteurs politiques et de la société civile fustigent ce processus en pointant du doigt le pouvoir de l'utiliser comme moyen d'éliminer certains adversaires politiques. Rien que cette semaine, les différentes organisations ont organisé des conférences de presse pour marquer leur position.
La grande coalition" Gueum Sa Bopp" invite l'opposition à se dresser comme un seul homme contre cette nouvelle forme d'oppression et rejeter ensemble le parrainage. Pour eux, le Sénégal doit se conformer aux injonctions de l’institution sous régionale CEDEAO dont il est membre.
La coalition "Yewwi Askan Wi" à travers ses leaders affirme, qu'elle n'acceptera pas, de jour ni de nuit, que ce système de parrainage soit appliqué et à fortiori être un élément constitutif de l'élimination de listes de l'opposition. Ils ne permettront plus au Président Macky Sall de décider qui va être candidat ou pas. Ils n'ont pas de problèmes pour disposer du nombre de parrains, juste qu'ils n'acceptent pas que cette forfaiture puisse plomber cette volonté du Peuple d'amorcer un changement. Ils le qualifient ainsi d'escroquerie politique pour en finir avec de potentiels candidats.
La Ligue Sénégalaise des Droits de L'Homme exige quant à elle l'application immédiate de la décision de la Cour de justice CEDEAO. Elle invite l’Etat du Sénégal à instaurer un dialogue franc et sincère pour arriver à un consensus pour des élections libres et transparentes.
Chacun de son côté, s'est prononcé pour dire être en désaccord avec le mode opératoire. Pour réconforter leur position, ils font appel à l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO du 28 avril 2021. Estimant que le système de parrainage adopté aux présidentielles de 2019 est une violation du droit de libre participation aux élections. Une décision qui ordonne au Sénégal de supprimer le parrainage dans un délai de six mois.
L'Etat du Sénégal maintient toujours sa dynamique de l'appliquer aux législatives de juillet 2022 malgré l'arrêté de la CEDEAO.
Aminata Touré ex Premier Ministre et actuel coordinatrice du pôle parrainage déchire l'arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO en convoquant la hiérarchie des souverainetés. Selon elle, l'Etat du Sénégal peut choisir librement sa constitution, ses lois et règles. Aux détracteurs du pouvoir en l'occurrence les opposants, elle les renvoie aux textes. L'Assemblée nationale a voté la loi du parrainage. Que dans le Code électoral, il est clairement mentionné la nécessité de collecter entre 0,5 et 0,8 % du nombre d'électeurs. Ainsi elle foule au pied les arguments avancés par l'opposition et appelle à l'ordre les leaders de cette mouvance à suivre le processus.
Un point très controversé du processus électoral auquel tous les acteurs devraient se conformer pour un bon déroulement du jeu démocratique. Dans ce pays où le décompte du nombre de partis politiques et d'organisations dépasse les trois cents. Même si le parrainage peut freiner l'inflation des candidatures comme avancé par certains, il reste néanmoins légal.
Ce qu'il faut noter, c'est que techniquement il y a des améliorations à opérer pour régler les questions de doublons. Ils restent les causes premières d'invalidation qu'érigent les mécontents. Les techniciens de l'autorité de tutelle devraient y remédier pour en finir avec ce piège de se retrouver avec des signatures identiques entre coalitions.
L'article 26 du protocole de bonne gouvernance se veut la garantie des élections libres et démocratiques. Le Sénégal a intérêt à y veiller davantage pour garder son titre de pays démocratiques avec les acquis des deux alternances connues en 2000 et 2012.
Il n'est pas tard de trouver un consensus politique autour de cette question pour consolider la paix et la stabilité du Sénégal !