Le verdict du dossier Thomas Sankara est tombé dans la matinée du 6 avril 2022 au Tribunal militaire de Ouagadougou. Si Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando ont écopé, chacun, de la prison à vie. , Bossobè Traoré, les médecins-militaires Alidou Diebré et Hamado Kafando ont, quant à eux, été acquittés pour des faits non constitués. D’autres condamnations ont été prononcées à l’encontre d’autres accusés. L’audience a été suspendue et reprendra le 25 avril prochain avec cette fois-ci, les plaidoiries sur les réclamations civiles.
35 ans après les évènements du 15 octobre 1987, Thomas Sankara, ses 12 compagnons d’infortune et leurs familles et proches semblent avoir obtenu justice. La Chambre criminelle du Tribunal militaire qui statue en premier ressort a condamné à perpette, Blaise Compaoré, Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando. Si les deux premiers ont été déclarés coupables à «l’unanimité » pour des faits d’attentat à la sûreté de l’Etat et de complicité d’assassinat, le dernier, quant à lui, a été reconnu coupable d’attentat à la sûreté de l’Etat et d’assassinat. Gilbert Diendéré a été acquitté par rapport aux chefs d’accusations de subornation de témoin et de recel de cadavre. Sur la dernière accusation, Blaise Compaoré a été acquitté. La Chambre criminelle n’est pas allée dans le sens du parquet dans le cas des 14 accusés dont 12 présents et 2 absents. Comme il fallait s’y attendre, le verdict n’a pas rencontré l’assentiment de certaines personnes considérées comme étant des proches des condamnés, présents dans la salle d’audience. L’ambiance était électrique comme il l’a été à l’ouverture, le 11 octobre 2021. Alors que certains expriment leur joie face à ces condamnations, d’autres par contre, à travers des gestes, paroles et actions, montrent qu’ils ne sont pas contents de la décision du tribunal militaire. Après lecture de la décision, un délai de 15 jours francs « à compter du prononcé du présent jugement » a été accordé par le juge Urbain Méda à la défense pour interjeter appel.
En effet, après le verdict du procès que d’aucuns qualifient d’historique, le Comité International du Mémorial avait convié les sympathisants du père de la révolution burkinabè à une procession qui fait office d’hommage aux héros tombés le 15 octobre 1987. Le cortège composé de motos et de véhicules, a arpenté les altères de la ville de Ouagadougou. De l’avenue Pascal Zagré à l’avenue Burkina en passant par le Boulevard Muarmmar Khadafi, Charles de Gaulles avant de se rassembler devant la statue du Président Thomas Sankara, où place a été faite pour la procession. Chant du Ditanyé (Hymne national), dépôt de gerbes de fleurs là où Thomas Sankara a été abattu.
La veuve Mariam Sankara et Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l’un des avocats de la famille de Thomas Sankara se réjouissent de l’issue du procès
Estimant que ce verdict est l’issue d’une longue attente(35 ans), la veuve Mariam Sankara et Me Bénéwendé Stanislas Sankara, l’un des avocats de la famille de Thomas Sankara ont en outre estimé que c’est la vérité qui a triomphé. Si pour eux le procès a permis de faire la lumière sur certaines rumeurs qui ont circulé 35 ans durant, d’autres par contre estiment que c’est un procès politique, voire suscité. Mais le but de toutes ces suspicions, c’était que les violences politiques puissent faire réfléchir des gens. Dans un jugement, il y a toujours une partie qui est satisfaite et une autre qui ne l’est pas. Me Sankara dans, l’unes de ses déclarations a rappelé que cela faisait 25 ans de procédures avec toutes les péripéties. Et en tant qu’avocat, l’œuvre de la Justice est à saluer. Pour lui, le Burkina Faso venait d’inscrire en lettres d’or au panthéon de l’histoire que l’impunité peut prendre fin. Une lettre d’or à laquelle tous les Burkinabè ne s’inscrivent pas. A commencer par les avocats de la défense. Pour Me Mathieu Somé, l’un des conseils de Gilbert Diendéré, la peine appliquée à son client est excessive. Sans rentrer dans les détails, il a trouvé cela injuste parce que Diendéré a apporté sa contribution en s’expliquant devant le peuple. Il n’est pas allé par quatre chemins pour indiquer que la décision du tribunal est aux antipodes des moyens qu’il a développés. Si dans la formulation des questions la plupart des avocats demandaient la fin de non-revoir du fait de la prescription de l’action publique, le tribunal semble n’avoir pas eu la même appréciation
Quand les inconditionnels de Gilbert Diendéré et de Thomas Sankara ont failli en venir aux mains
Après la décision du tribunal et la suspension de l’audience, des personnes qui sont considérées comme des soutiens de Gilbert Diendéré, sont entrées dans tous leurs états et ce, après que les soutiens de Thomas Sankara, comme ils en ont l’habitude, ont prononcé des slogans d’antan sous la révolution suivis de poings levés et de cris de joie. Il n’en fallait pas plus pour amener aussi les soutiens de Gilbert Diendéré à tenir des propos et à adresser des gestes d’encouragement à l’égard de l’ex chef de corps du CNEC, le tout accompagné des cris de colère afin de dénoncer ce verdict. Une ambiance électrique qui, n’eut été l’intervention des Forces de sécurité, a failli amener les deux camps à en venir aux mains. Hors de la salle d’audience, les invectives se sont poursuivies vis-à-vis de ceux qui s’apprêtaient à organiser une procession à la mémoire de Thomas Sankara. Certains proches de Gilbert Diendéré n’en démordent pas car pour eux, le pouvoir de Thomas Sankara aurait aussi commis des crimes. A les écouter, ils auraient préféré le pardon. Ces derniers affirmaient être contre la tenue de ce procès. Car pour eux, l’ancien président du Faso, Roch Kaboré, aurait été manipulé par les inconditionnels de Thomas Sankara. Un verdict qui, pour eux, n’est qu’une façon de condamner pour faire plaisir à la population.