Le Sénégal, petit pays aux potentialités énormes offre également beaucoup d’opportunités du fait de sa relative stabilité sociale et de sa position géographique stratégique.
En effet, le Sénégal occupe la position la plus occidentale sur l’océan Atlantique. En wolof, nous avons l’habitude de dire « Sénégal bountou Afrique », ce qui signifie, littéralement, « le Sénégal, porte de l’Afrique. » Il est l’extrémité ouest du Continent ayant une frontière commune avec la Mauritanie, au nord (La région de Matam du Sénégal est à 10 m de traversée du fleuve), le Mali à l’est, les deux Guinées (Guinée Conakry et Guinée-Bissau) au sud-est et sud-ouest. Ce pays, qui couvre 196 722 km² compte aujourd’hui plus de 17.000.000 d’habitants composés de plusieurs ethnies et de plusieurs cultures dont les principales sont : les Ouolofs (42% de la population), les Peuls et Toucouleurs (31.025 %), les Sérères (18.05 %), et d’autres ethnies mineures (Malinkés, Diolas, Manjack) estimées à environ 17.55 % de la population totale du pays. Les Lébous, autre ethnie du Sénégal, font partie intégrante des Ouolofs.
Au sein des communautés ethniques, il y a des noms de famille, qui constituent des parentés fictives appelées cousinage à plaisanterie ou parenté à plaisanterie. C’est le cas entre Diolas et Sérères, entre Peuls et forgerons, entre Peuls et Sérères etc.
Mais pourquoi le cousinage à plaisanterie est-il un moyen de contribuer à la préservation de la paix sociale, du maintien de la stabilité communautaire au Sénégal ?
Le cousinage à plaisanterie n’est pas seulement une affaire sénégalo-Sénégalaise. Il existe partout en Afrique de l’ouest. Le cas du Sénégal est cependant d’une rare existence. Il est différent à tout point de vue de ce qu’il se passe ailleurs. L’idée de parenté fictive contribue au règlement et met fin aux conflits. Dans la crise casamançaise, par exemple, l’intervention des deux communautés diola et sérère a permis d’ouvrir des dialogues constructifs dont les seuls motifs sont de mettre fin à la rébellion qui dure depuis plus de 30 ans.
A chaque fois que dans un voisinage, des querelles éclatent, les cousins interviennent pour faire taire les ardeurs. A la gare routière, Hamady le berger a heurté les affaires d’une ménagère. Cela a failli tourner à la bagarre. Des propos violents sont formulés. En passant, Hamady le tailleur dit à l’homme « Gamow, j’espère que tu n’es pas un Sérère. Aujourd’hui, je vais te déshabiller ». L’étranger commença alors à sourire et répondit « je t’en prie toi aussi, je ne reparlerai plus ». Des échanges de pardons se firent entendre.
Si quelqu’un se rend au Sénégal, il y vivra sans difficulté. L’homo senegalensis a une capacité de refoulement de sa colère étonnante en présence du cousin à plaisanterie. Il arrive que ceux qui ont cette parenté fictive en commun se retrouvent à chaque fois pour partager des repas à l’occasion des fêtes religieuses. Gare aux personnes portant les noms de famille Seck et Diaw, qui oublient leurs affaires après avoir mangé en présence des « Gueye ». C’est la débandade. Un nommé BA ne mange jamais sans que les nommés Diallo n’y goûtent. Ce n’est pas seulement de la solidarité. Dans la diversité, le Sénégalais accepte toujours le compromis non pas pour faire mal, mais pour accepter l’autre, s’affirmer au sein de la communauté. Le Sérère fait attention avant de manger devant un Diola, devant un Peul. Les noms de famille Guèye, Seck et Diaw entretiennent à merveille cette parenté. Quand un cousin à plaisanterie vous trouve en pleine bagarre, vous êtes obligé d’arrêter. Quelquefois sans comprendre, on accepte les volontés de l’autre. Beaucoup de malentendus se sont dissipé grâce à cette parenté fictive.
Cet idéal a certainement une origine historique à laquelle tiennent beaucoup les populations.
Un nommé Seck dit à son cousin Diaw « vous ne vous battrez pas devant moi. Vous n’oseriez même pas ». Pourquoi n’oserait-il pas ? Peut-être que c’est un ancien consensus des peuples, entre captifs et maîtres.
La prise en compte de consignes nées de ces actes de cousinage à plaisanterie est le garant de la paix sociale. De façon inconsciente, nous avons l’impression que le non-respect et la non-conservation de la parenté fictive conduisent inébranlablement à une malédiction dont l’origine nous est étrangère. Au Sénégal, la démocratie participative n’est pas seulement une œuvre imposée par les gouvernants, mais elle est la conséquence des compromis nés des cousinages à plaisanterie.
Les peuples ne devront-ils pas s’en inspirer pour retrouver la paix et la stabilité sociale si nous savons que les différences d’opinion, d’appartenance sont en train de mettre à mal les liens même de parenté réelle ?