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Il me faut d’abord comprendre ce qu’est le « panafricanisme » pour mieux percevoir l’idée du renouvellement des cultures panafricaines, et rechercher ensuite quelles stratégies adopter pour assurer leur pérennité.
Le panafricanisme est une idéologie majeure de totalisation culturelle africaine, ce qui signifie que malgré la multiplicité des peuples et des cultures africaines, il n’y a qu’une seule origine : l’Afrique. Pas de véritable frontière d’une terre africaine à l’autre, mais des peuples engagés dans un même destin, de sorte que tous les événements de l’histoire africaine qui laissent des traces culturelles sont ensemble en un point, ramassés en une grande pensée comme dans un présent infini.
Envisager la renaissance des cultures panafricaines, c’est admettre qu’elles vivent une crise quelconque. Cette crise peut être une brouille des repères, une confusion dans l’indifférenciation des signaux culturels panafricains propres ou un trouble identitaire.
Cette crise peut donc avoir une ou plusieurs causes. Quelles sont-elles ?
Aujourd’hui encore, en consultant l’histoire africaine écrite, on dénombre plus de livres écrits sur les Africains par les non-africains. La grande majorité de ces ouvrages littéraires véhicule une histoire africaine qui semble commencer invariablement par l’esclavage, s’en suit la colonisation puis le néo-colonialisme, comme si c’était là, des jalons inéluctables du temps historique africain. L’importance qu’on accorde à ces événements semble leur donner le pouvoir de révéler l’existence des Africains, c’est-à-dire leur fonder une origine artificielle. Or, l’Afrique est une matrice, une origine commune à tous les Africains, elle préexiste donc à tous ces événements.
La littérature africaine des auteurs africains bien qu’écrite pour une grande part, dans des langues étrangères met en lumière cette origine par des mythes fondateurs et des contes, par exemple. Cette littérature-ci contribue à la création d’une forte structuration de la mémoire et de l’identité des peuples africains, car elle aiguille de manière durable les croyances, les opinions et les représentations des individus qui s’en imprègnent.
Or, cette littérature qu’on peut qualifier de salutaire, dans la mesure où elle révèle des héritages mémoriels plein de signifiants culturels où les individus qui forment une communauté ou une nation qui recrée et revivifie leurs identités. Elle commence à véritablement exister dans sa forme massivement divulguée, que des années-lumière plus tard, loin derrière une littérature d’occultation qui a déjà intoxiqué l’esprit de ceux -là même qui sont chargés d’éduquer les nouvelles générations.
La mémoire et l’identité africaine sont inventives et créatrices. Elles produisent à foison toutes sortes de signifiants culturels dans tous les domaines : artistique, technique, scientifique, chimique, littéraire etc.
Cet échange demeure encore une attente, car l’Afrique est plus réceptrice qu’émettrice. Les médias étrangers qui diffusent leurs programmes en Afrique par exemple, le font sans contrepartie d’une diffusion égale des cultures panafricaines.
Les Africains sont ainsi confrontés quotidiennement à la médiatisation à outrance des informations qui les interpellent sans interroger leurs intérêts bien compris. Des récepteurs passifs qui subissent un tel bombardement médiatique peuvent être sujet de perte de repères culturels suite à la confusion que provoquent des masses d’informations inutiles dans les esprits. Cet état de fait s’oppose donc à la mémoire active et inventive des individus, car le mémoire médiatique est mécanique, et peut désinvestir l’homme de la responsabilité d’être soi-même. Les causes d’une telle crise culturelle panafricaine sont plurielles.
Quelles stratégies adopter ?
La renaissance des cultures panafricaines passe d’abord par la réappropriation de l’histoire africaine. Dans la mesure où l’éducation façonne l’humain, cette réappropriation demande une vigilance de tous les instants dans la transmission des connaissances et des savoirs. La culture étant une tradition transmise, qui assure la continuité entre les générations.
Les cultures panafricaines ne sont pas à créer. Quoiqu’en re-création permanente mais à revivifier pour leur donner une nouvelle dimension. L’ethnologue panafricain semble tout désigné pour dresser l’inventaire de tous les signifiants culturels du monde panafricains, qu’il s’agisse des traces, de reliques, vestiges, monuments, objets, événements culturels susceptibles de passer dans la mémoire collective pour soutenir une vision pan-africaniste, et pour relever leur efficience et l’attente des populations. Un tel travail permettrait de savoir quels signifiants culturels doivent être porpotionnellement privilégiés, puis nous demanderons par un manifeste collectif aux hommes politiques africains de les diffuser dans la juste recherche d’équilibre entre la réception des signaux culturels des autres et les nôtres.
Les cultures panafricaines sont des signaux avec lesquels nous nous représentons, nous percevons, nous imaginons notre histoire, notre nature, aussi bien dans le domaine culturel, artistique que politique. Si la renaissance des cultures panafricaines s’inscrit dans une problématique de « reconnaissance », la circulation sociale des signaux culturels panafricains à travers maints sujets de préoccupation collective montre que la question de renaissance interroge un problème politique.
En dehors de nos anciens Marcus GARVERY, NKRUMAH, CHEIK ANTA Diop , W. E DUBOIS qui ont inspiré le panafricanisme et l’ont divulgué, aujourd’hui, ce sont les intellectuels qui l’expriment et le portent. Que ce soient les Biennales des Arts africains au Sénégal, les rencontres incomparables autour de l’art musical partout en Afrique. Tous ces événements culturels panafricains sont impulsés par les intellectuels et les artistes.
Dans les années 80 les Congolais de Kinshasa mouraient par centaines dans les geôles du congo-brazzaville par étouffement dû à un entassement dans un espace réduit, coupable d’immigration clandestine.
Le panafricanisme est une idéologie majeure toujours en construction. Son achèvement demande l’ouverture des esprits et des mémoires nationaux, l’alignement sur une même ligne d’action en visant un but commun.
Nous sommes conscients du caractère inaliénable de la mémoire et de l’identité qui créent tout un patrimoine culturel aux peuples amis, et aussi combien ce patrimoine culturel est l’objet d’enjeux sociaux des plus revendicatifs. C’est pourquoi notre devoir le plus impérieux pour la renaissance des cultures panafricaines doit être de communiquer cette conscience à tous les membres de la communauté panafricaine.