L’étude entreprise dans cet article concerne les médias et plus spécialement la presse et ses professionnels –les journalistes- au Rwanda. Les pays de l’Afrique centrale - région des Grands lacs - connut naguère, il y a à peine 27 ans, les heures les plus sombres de son histoire. En effet, il fut perpétré, comme tout le monde sait, le génocide contre des Tutsis, un des plus horribles qu’ait connus l’humanité. Or, parmi les causes ayant déclenché cette hécatombe figure en « bonne et sinistre place la presse et fameuse radio des mille collines ».
Nous analysons dans cet article qui se veut modeste dans ses dimensions le rôle des médias-notamment la presse- et l’information qu’ils véhiculent, leurs actions sur le cours des événements, leur influence sur les citoyens ordinaires et sur les responsables politiques. Au centre des questions essentielles, nous situerons le journaliste, professionnel de la presse, métier qui difficile à cerner, dus aux maintes suspicions et aux débats sur la déontologie. Nous conclurons sur la nécessité pour les journalistes rwandais de bon aloi, strict, rigoureux, professionnel, qui, sans perdre sa dignité ni son indépendance, s’efforce sans cesse de contribuer à l’édification d’une société apaisée et réconciliée avec elle-même.
L’histoire récente de la presse au Rwanda, ce pays de l’Afrique centrale (Région des Grands Lacs) nous a révélé la part importante qu’à prise une presse passionnée, en délire et irresponsable parmi les causes de la perpétration du génocide des tutsis, de l’ampleur inimaginable ! Et l’on peut, sans exagérer comparer le comportement des professionnels des médias rwandais d’alors avec celui du redoutable et exalté communicateur du régime nazi que fut Joseph Goebbels. Tout le monde sait le rôle désastreux que ce tribun hors pair joua dans les années qui précédaient la deuxième guerre mondiale qui fut déclenchée par les hauts dignitaires du 3éme Reich ; ne furent pas les propos incendiaires et les déclarations enflammées de cet homme exalté- du reste essentiellement fondés sur l’imposture et la falsification –qui surexcitèrent Hitler et peuple allemand, les entraînant à accomplir les pogroms contre les Juifs et autres crimes contre l’humanité ? Devons-nous conclure, suite au génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda de 1994- à peine une cinquante d’années après le tribunal de Nuremberg _ que la nature humaine est irrémédiablement à l’amender ?
Il est regrettable que les médias rwandais aient violé le droit le plus fondamental de l’homme, le droit à la vie. Les valeurs culturelles du Rwanda auraient pu leur servir de garde-fou. Pour que plus jamais des médias comme « la Radio Libre des Milles Collines », les journaux « Kangura », Kamarampaka, La Médaille Nyiramacibiri, Echos des Mille Collines, Umurwanashyaka et autres ne réapparaissent et n’occasionnent plus de tragédies aux conséquences incalculables comme celles que ce pays de l’Afrique Centrale appelé communément pays de Mille Colline a connue, les hommes des médias doivent être guidés par une conscience morale intransigeante comme l’a bien stigmatisé François Rabelais au 16ème siècle « La science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
Le journaliste rwandais, comme le citoyen rwandais, doit puiser au tréfonds de son être et de sa culture, qui recèle de préceptes et d’exigences morales. La rumeur, les fausses nouvelles, les allégations mensongères et surtout la calomnie, doivent être définitivement bannies sous la plume des hommes de la presse, qui ont la redoutable responsabilité d’informer. Les journalistes rwandais doivent veiller à ce que, soumis aux lois du marché et à la « recherche systématique du profit maximal à court terme », les médias ne mettent pas la culture en péril. Conçus et réalisés par le seul espoir de plaire au plus grand nombre, aux leaders politiques, les journaux, les programmes de radio et de télévision risqueraient de n’être plus que des « marchandises » des « produits » comme les autres jetés et aussitôt consommés au lieu d’être des « œuvres d’arts » conservés parce qu’elles inspirent le respect et l’admiration. La vie de l’esprit –celle des idées ou des œuvres- autrement dit la culture est faite d’un permanent dialogue entre le présent et le passé, entre le particulier et l’universel. Il s’ensuit que la culture obéit à ses propres lois, à ses traditions, à ses valeurs. Les savants et les artistes créent des valeurs qu’ils doivent défendre de façon désintéressée et indépendante. Le pouvoir de toute œuvre culturelle est d’arrêter notre attention et de nous émouvoir. Or, la logique du marché est tout autre, elle consiste à répondre à une demande dont on doit à l’avance connaître les attentes et dont on est pressé d’en satisfaire les désirs.
Quelle devrait donc être la place des médias dans la société moderne ?
Les professionnels des médias occupent une place importante dans les sociétés modernes. Le journaliste est à la fois témoin, enquêteur et médiateur. Il recherche, trie, et traite divers faits pour leur donner une signification tout en veillant à les rendre attrayants. Quelles informations recherche-t-il ? Pourquoi informe-t-il ? De fait, quel que soit son projet ou son message personnel, tout rédacteur peut se demander ce qu’est un média.
Un média est, au sens étymologique du terme, comme chacun le sait, un moyen, un intermédiaire, un outil, permettant aux hommes de s’exprimer et de communiquer à autrui l’expression d’un sentiment, d’une sensation, d’un événement vécu. En outre, son usage lui assigne un rôle déterminé : être un organe d’information, un support d’œuvres artistiques ou d’œuvres littéraires, un moyen de divertissement ou de connaissance (informer c’est aussi former).
Si le livre et le journal sont les plus anciens médias, la vidéo et les multimédias en sont aujourd’hui les nouveaux. En tant que techniques, les médias ne valent que par l’usage qui en est fait. Ils n’imposent donc rien, ils proposent et c’est l’homme qui dispose. Parmi les différents médias qui fonctionnent aujourd’hui, nous retiendrons pour notre étude et nos réflexions la presse, le plus ancien de tous les médias. Il n’est donc pas surprenant que le terme presse désigne à la fois l’outil (la machine à imprimer inventée par Gutenberg) et l’usage (presse écrite et presse parlée) qui en a été fait : c’est cette presse-là, qui a inventé l’information d’actualité tout en assignant aux journalistes leur mission : dire « ce qui se passe ».
Quid Informare ?
Étymologiquement, le mot « information » est dérivé d’informer, lui-même issu du latin informare qui signifie « donner une forme ». L’information veut nous apprendre à tout instant « ce qui se passe ». Il n’est pas sûr qu’elle y parvienne, mais qu’on le veuille ou non, elle a l’ambition de montrer les hommes et les choses c’est-à-dire le monde dans la vérité. Sinon on ne voit guère sa raison d’être. Henri Pigeat constate que sans l’existence de la vérité, on peut se retrouver dans la parabole des Aveugles. Le célèbre tableau peint par Pieter Breughel à la fin du XVIème siècle montre un aveugle entraînant dans le fossé d’autres malheureux, également aveugles, qui, en file indienne et se tenant par épaule, comptaient sur lui pour les conduire. Cette allégorie qui pourrait ainsi s’intituler « l’information mensongère et aveugle » peut symboliser la responsabilité des hommes de communication vis-à-vis de ceux qui leur font confiance pour y avoir plus claire
Sans chercher à flatter le soubassement et le servilement, à des fins personnelles, un journaliste digne de ce nom doit s’efforcer de n’être autre chose qu’un témoin et un acteur de la démocratie, singulièrement dans un pays comme le Rwanda qui a vécu une horrible tragédie de laquelle il s’est relevé avec courage, ténacité et lucidité. Le Rwanda devient bientôt une puissance économique dans les pays de la région des Grands Lacs et partout en Afrique. Il est parmi les pays les mieux organisés, la paix y règne également.
L’histoire des médias et de la presse se confond, en réalité, avec celle des libertés fondamentales. De fait, la liberté de la presse est chronologiquement la première parce qu’elle a été conquise avant d’autres libertés. Mieux encore, elle apparaît aujourd’hui comme condition d’existence des autres libertés : civiles, politiques, personnelles ou publiques. L’association « Reporters sans frontières » n’a–t-elle pas affirmé : « Pas de liberté sans liberté de la presse » ? En conséquence, si le journaliste doit jouir de la liberté d’exprimer ses opinions, celle-ci a bien évidemment des limites. Pour mieux définir celle-ci, des institutions ont souvent été mises en place. Elles varient selon les pays, mais elles visent toutes à dénoncer et à réprimer les dérives de l’information. Ici et là ont été créés des conseils de la presse, des médiateurs au sein des rédactions, des revues, des émissions de radio ou de télévision. Jean Daniel soulignait en 1987 : « La meilleure manière de protéger les journalistes contre la tentation d’un abus de leur pouvoir, c’est d’entretenir un débat permanent sur leurs responsabilités. » En effet, la loi ne suffit pas, à l’évidence puisqu’elle fixe seulement des limites dont le franchissement est sanctionné par le juge.