De La Société Des Nations (SDN) à l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Ordre mondial, post Seconde guerre mondiale, a toujours été transgressé, rappelant à la communauté internationale que la naissance d’un cadre de gouvernance internationale suscité par les conséquences désastreuses des deux grands conflits de la première moitié du 20ème siècle (1914-1918 et 1939-1945) est loin d’être chose acquise. Crises et conflits qui ont éclaté depuis sont le plus souvent « encadrés » par les cinq pays disposant d’un « droit » de véto au sein du Conseil de sécurité de l’ONU (Angleterre, Chine, États-Unis, France, Russie). A tour de rôle, ils l’utilisent pour protéger leurs intérêts, ou ceux d’un allier, même quand il s’agit d’une situation de guerre tournant au génocide, comme au Rwanda, en 1994. Dans de tels dérèglements du pseudo Ordre mondial, c’est toujours l’Onu qui est responsable n’étant pas capable d’appliquer strictement ses textes ou de déclarer sa propre mort pour « impuissance ».
Cette impuissance on la découvre, dans toute sa nudité lors du génocide contre les Tutsis, en 1994. L’Onu s’implique certes, sur demande des deux belligérants, mais les casques bleus qu’elle envoie, après la signature des Accords d’Arusha de 1993 afin d’accompagner lesdits accords, n’arrêtent cependant pas la montée des violences et de l’extrémisme Hutu. Elle pèche par son immobilisme traduit par la promulgation de résolutions non contraignantes, manquant de donner un mandat fort (l’usage de la force, si nécessaire) aux casques bleus pour arrêter des massacres qui vont tourner au génocide des Tutsis au printemps de 1994.
Le philosophe Sartre disait que le « silence est complicité et participation au crime ». Certes, l’Onu a parlé mais sans réellement faire entendre sa voix qui ne portait pas loin. La Mission des Nations Unies pour l'assistance au Rwanda (MINUAR) créée en octobre 1993 par le Conseil de sécurité pour « maintenir la paix, assurer une assistance humanitaire et, d’une manière générale, à appuyer le processus de paix » était inopérante, voire nuisible, parce qu’elle donnait l’impression que la communauté internationale bougeait, dans le bon sens, alors qu’elle assistait, impuissante, à un génocide qui en quelques mois allait devenir le plus grand après celui commis contre des juifs durant la seconde Guerre Mondiale.
Un génocide qu’on aurait pu stopper
Le tort de l’Onu, sa responsabilité avérée dans le génocide contre les Tutsis, est que son Conseil de sécurité, censé assurer la paix dans le monde, a donné la plénitude de son impuissance. Exactement comme ce qui se passait dans d’autres conflits à travers le monde, et se passe actuellement en Ukraine ! Pas parce que les cinq pays qui en assuraient le « commandement suprême » manquaient de moyens pour intervenir, comme ils l’on fait contre l’Allemagne nazie d’Hitler, mais parce que les oppositions et intérêts géostratégiques des uns et des autres se neutralisaient. Le mot d’ordre que personne ne prononçait, mais qui était évident vu le peu d’empressement de l’Onu à user de moyens plus contraignants pour arrêter le génocide était : « laissons faire » et « voyons qui sortira vainqueur » d’un conflit qui n’a aucune répercussion sur nous étant très circonscrit dans l’espace (le Rwanda) et, probablement, dans le temps !
En réalité, si l’Onu a fait preuve d’impuissance, c’est parce que les intérêts de certains des membres de son Conseil de sécurité étaient en jeu pour savoir qui du gouvernement rwandais en place, soutenu par la France, ou du FPR, que la propagande du gouvernement génocidaire hutu présentait comme des « anglo-saxons » ssoutenus par l’Ouganda (donc par l’Angleterre) allait l’emporter ! La donne génocidaire comptait ainsi si peu dans ce qui se présentait comme un jeu d’alliance morbide.
Il ne faudrait pas pour autant conclure que la planification du génocide a été avalisée par l’Onu ou que celle-ci pouvait « se réjouir » de telles exactions ébranlant la conscience du monde civilisé, mais il est incontestable que sa responsabilité était engagée, parce que, à un moment donné, son statut de « gendarme du monde », lui donnait le devoir – et le pouvoir – de faire tout pour arrêter les activités criminelles anti-Tutsi qui se sont transformés par la suite en stratégie pour le génocide.
Ces propos résument donc l’ampleur de la responsabilité de l’Onu et de la communauté internationale, de façon générale : « Tous les acteurs d’importance pour le Rwanda - ses voisins de la région des Grands Lacs, les Nations Unies, toutes les grandes puissances occidentales - savaient exactement ce qui se passait et que tout était organisé aux plus hauts niveaux du gouvernement rwandais . Ces observateurs savaient qu’il ne s’agissait pas d’un stupide problème, comme on a parfois dépeint avec mépris le génocide. Ils savaient qu’une catastrophe terrible s’était abattue sur le Rwanda. Ils savaient même que certains parlaient ouvertement d'éliminer tous les Tutsis, bien que peu d’observateurs puissent s’imaginer à l’époque qu’un vrai génocide était possible. »
Le tort de l’Onu était donc d’avoir refusé de reconnaitre, jusqu’au bout, que seule la force pouvait arrêter le génocide. Aller jusqu’à considérer la MINUAR simplement comme une force symbolique dont le seul mandat était uniquement d’observer et de maintenir le cessez-le-feu entre les FPR et les forces gouvernementales et non d’imposer par la force l’arrêt d’un génocide qui se faisait au grand jour ne peut qu’être qualifié de complicité.