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Sénégal : Macky Sall, le choix de l’apaisement et de la démocratie

Sénégal : Macky Sall, le choix de l’apaisement et de la démocratie

Sénégal : Macky Sall, le choix de l’apaisement et de la démocratie

/ POLITIQUE / Sunday, 16 July 2023 08:25

Par Sneiba Mohamed

Le président Macky Sall a finalement tranché, le 03 juillet dernier, sur la question du troisième mandat qui tient en haleine l’opinion publique sénégalaise et internationale depuis plusieurs mois. Il ne sera pas candidat à la présidentielle de février 2024. La démocratie sénégalaise, souvent citée comme modèle en Afrique, est ainsi sauvée et Macky Sall a choisi de sortir par la grande porte.

Le président Macky Sall qui a pris au dépourvu tous ceux qui commençaient déjà à douter de l’exception démocratique sénégalaise a marqué plusieurs points en revisitant, dans un Discours à la Nation bien élaboré, les Valeurs africaines qu’on associe symboliquement à l’arbre à palabres qui a pris la forme d’un dialogue national dont les recommandations ont sans doute été prises en compte par le président sénégalais quand il fallait enfin prendre position.

Beaucoup de leaders africains (Chefs d’Etat, intellectuels, présidents d’organisations régionales et sous-régionales) ont salué le geste chevaleresque de Macky Sall.

Abdoulaye Mbaye, ancien Premier ministre entré en conflit politique ouvert avec Macky Sall déclare : « je dois avouer ma grande émotion. Ce discours me permet de retrouver une grande partie du Macky Sall de 2012. Respect pour son appel au rassemblement et à la paix ! »

L’ancien président du Niger, Issoufou Mahamadou, abonde dans le même sens, déclarant que le président Macky Sall « vient de faire preuve d’une grande intelligence politique » et que le Sénégal « reste un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire notre continent ». Le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, il dit saluer « la sage et salutaire décision de (son) frère Macky Sall de ne pas se porter candidat à la présidentielle de 2024. »

La star internationale de la musique sénégalaise, Youssou N’Dour, parle, à chaud, d’un « très grand Président, qui vient d’honorer tout un peuple ». « Des routes, nous en avons...Des ponts, nous en avons depuis fort longtemps. De vraies institutions, nous en avons également un président de la République qui organisera, sans y participer, l’élection de son successeur. Ce sera une première dans notre histoire commune. Un Très grand Président, tu l’es, un Chef d’Etat incomparable, tu le resteras. Tu viens d’honorer tout un peuple et toute l’Afrique. Tu es venu par la grande porte, et tu laisses à jamais ton nom en lettres d’or sur la grande porte de notre Nation.

Appels à la vigilance de l’opposition

Malgré le ton ferme de Macky Sall annonçant son intention de ne pas se présenter pour un troisième mandat, une partie de l’opposition sénégalaise appelle pourtant à rester vigilant, comme si elle craignait un tour de passe-passe à la Poutine-Medvedev.

Pour Aminata Touré, ancienne Première ministre qui a quitté la majorité en septembre dernier, désormais candidate à la présidentielle, « ce n’est pas une faveur que le président Macky Sall fait au Sénégal, c’est au contraire face à la clameur générale [...] qu’il a dû reculer. Pour moi, il aurait pu nous épargner tous ces moments difficiles pour le pays et notamment la mort de 16 manifestants puisque le background, c’était quand même cette histoire de troisième mandat qu’il aurait dû clarifier depuis très longtemps. Nous restons vigilants parce que nous souhaitons que soient organisées des élections inclusives [...] libres, et transparentes [....] »

Même son de cloche chez Déthié Fall, président du Parti républicain pour le progrès (PRP), membre de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, qui entend une annonce qui va dans le bon sens, mais il attend davantage du chef de l’État : « Enfin, il accepte ce que la Constitution lui impose [...] C’est un pas qui n’est pas suffisant : il s’agit de faire les pas nécessaires pour l’apaisement du climat politique, ce n’est pas difficile. D’abord, la libération de tous les détenus politiques, mais aussi la participation de tous à l’élection présidentielle. Aujourd’hui, ce droit qui l’empêche de se présenter nous donne également ce droit, nous autres, de se présenter et à Ousmane Sonko aussi… »

Un choix de raison

Quoiqu’on dise, dans le camp de l’opposition sénégalaise, force est de reconnaitre, cependant, que le président Macky Sall vient de faire un choix de raison, ce qui oblige, sincèrement, à lui en reconnaitre le mérite. Il a refusé, malgré ce qu’espérait une bonne partie de ses soutiens politiques (les 475 maires et 37 présidents de conseil départemental, signataires d’une pétition en faveur d'une nouvelle candidature) de ne pas prendre le risque d’inscrire le Sénégal sur la liste infamante des Etats faillis. Il a surtout résisté à la tentation forte de l’éventualité d’une nouvelle candidature qu’autoriserait pourtant la nouvelle Constitution du pays, qu’il a lui-même fait adopter en 2016. Le camp présidentiel laissait entendre que le Conseil constitutionnel avait tranché cette question et que, du point de vue du droit, rien n’empêchait Macky Sall de se représenter.

L’argument du bilan en plus

Ainsi, même si l’on osait une comparaison entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, l’histoire ne se répètera pas. Élu président le 2 avril 2012, Macky Sall avait fait campagne contre son ancien mentor, le président Abdoulaye Wade, lui-même en lice pour un troisième mandat.

L’ancien Premier ministre (2004-2007), à la tête de son propre parti, l’Alliance pour la République (APR), s’était opposé à la candidature du président, qu’il jugeait anticonstitutionnelle. Parvenant à fédérer une large partie de l’opposition, il s’était offert une victoire confortable (65,80 % des voix), promettant une gouvernance de "rupture", axée sur la justice sociale, les réformes structurelles et les projets de développement.

Parmi ses réformes phares figurent la bourse familiale – une allocation versée à 300 000 bénéficiaires pauvres, récemment élargie et revalorisée dans le contexte d’inflation lié à la guerre en Ukraine – ainsi que des projets d’infrastructures tous azimuts : travaux aéroportuaires, ferroviaires, ville nouvelle de Diamniadio, construction du stade de Dakar, axe routier vers le Mali...

Si l’économie a connu une nette progression ces dernières années au Sénégal (avec un PIB passant de 17 à 27 milliards de dollars au cours des dix dernières années), le taux de chômage demeure élevé, au-dessus de 22 %, affectant prioritairement les jeunes. Sur la scène internationale, le président s’est illustré par une diplomatie proactive, prônant l’annulation de la dette africaine, le renforcement de la lutte antiterroriste ou bien encore le rejet des coups d’État militaires. Lors de la présidence tournante de l’Union africaine (février 2022- février 2023), il a défendu les intérêts africains face à la guerre en Ukraine ainsi que la candidature de l’Afrique au G20.

En renonçant au troisième mandat, Macky Sall tient sa promesse de rester « profondément démocrate ». Avant cette prise de position définitive qui, espérons-le, clôt le débat, il avait toujours répondu : « aujourd’hui, c’est le travail », rassurant qu’il ne « poserait jamais un acte antidémocratique ou anticonstitutionnel ». Parole tenue, donc.

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