frnlen

Le rôle des cultures dans le processus économique africain

Le rôle des cultures dans le processus économique africain

Le rôle des cultures dans le processus économique africain

/ SOCIETE / Monday, 17 June 2024 08:45

 Par  Prince Kabwende Kyéngé Kisoke, Essayiste – panafricain 

Le continent africain est riche mais sa population est loin de connaître les bienfaits de ces richesses qui font le bonheur des autres peuples. Les analyses se penchant sur cette pauvreté africaine sont nombreuses et parfois ennuyeuses car ne cessant de répéter que le seul coupable de cet état de chose sont les anciens colonisateurs. Différents modèles économiques ont été proposés par les spécialistes des institutions internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International avec les politiques d’ajustement structurel qui se sont avérées plus nuisibles que les promesses de développement durable. Que faire alors ? Faut-il espérer ou abandonner et conclure comme il m’a été sermonné par une étudiante sénégalaise : « tout espoir n’est pas permis, l’Afrique est foutue. Laissons tomber et adoptons le système occidental pour avancer ».

Cette assertion montre à quel point les leaders et chefs d’États sont incapables de relever les défis économiques, malgré leurs diplômes universitaires. Qu’est-ce qui cloche ? Pourquoi l’Afrique stagne-t-elle malgré ses potentialités minières ?

Nous nous donnons la tâche de répondre à cette question par l’analyse du rôle de la culture dans les processus de tout développement. Après une longue réflexion sur le système économique appliqué en Afrique, nous avons conclu que les penseurs africains n’ont pas pu percer le rôle que joue la culture dans le développement. Le péché originel en Afrique est de confiner la culture uniquement à la musique et au football.

Dans cet article, nous défendons la thèse par laquelle la culture joue un grand rôle dans le progrès scientifique et technologique.

Professeur Nioussérê Kalala Omotunde nous donne l’axiome de la réussite collective. Il résume cet axiome par la formule suivante :

« Histoire + Culture = Économie : rien n’est plus efficace, pour asphyxier toute concurrence, que de déprécier l’ensemble de la culture de son concurrent avec ses puissants moyens médiatiques ».

Cette citation met en lumière l'importance de la culture dans le développement économique d'un peuple. Chaque nation possède une culture qui lui est propre, et si un peuple perd sa culture ou en est privé, il devient, de manière inévitable, dépourvu de toute capacité de pensée autonome. La culture est l'un des principaux facteurs qui déterminent la puissance d'une nation et d'un pays. Lorsqu'elle fait défaut, les membres de la société concernée sont automatiquement privés de leurs repères humains, ce qui entraîne leur infantilisation, leur animalisation et leur objetisation. La culture occupe une place de premier plan dans la dynamique sociale de toute collectivité. Il convient de souligner que la préservation de l'histoire et de la culture exerce des effets positifs sur l'économie et la société dans son ensemble. Par conséquent, il est permis d’argumenter que la valorisation de l'histoire et de la culture contribue à renforcer l'identité et le sentiment d'appartenance à la communauté, à l'État. Elle constitue en effet un élément essentiel du processus de développement, étant le reflet fidèle de l'identité et des valeurs d'une société.

La culture joue un rôle déterminant dans la manière dont les individus perçoivent et interagissent avec leur environnement. Les avancées technologiques et les innovations sont également influencées par la culture et la spiritualité des peuples qui les engendrent, ce qui explique en partie pourquoi certaines innovations ont un impact plus significatif sur certaines sociétés que sur d'autres. En outre, cela renforce le sentiment de fierté nationale et stimule la créativité et l'innovation en promouvant le respect de la diversité et la cohésion sociale.

L’on pense également que la technologie est intimement liée à la culture et à la spiritualité des peuples. En redécouvrant et en valorisant les cultures africaines, nous pouvons établir une base propice au développement de technologies qui s'harmonisent avec notre environnement et notre mode de vie. Il convient cependant de noter que le développement technologique ne se réduit pas uniquement à des compétences techniques, mais englobe également des considérations socio-économiques, politiques et environnementales. Prendre en compte l'ensemble de ces facteurs est essentiel pour élaborer une technologie durable et adaptée à notre contexte. C'est pourquoi la culture a été reconnue comme le pilier du développement durable dans le cadre du Plan d'Action de Lagos pour les pays africains. Ce plan avançait même que le : « Développement c’est la science devenue culture » et Jean Marc Ela spécifie que « la science ne devient culture qu’à travers la recherche et toutes les transformations qu’elle déclenche ».

En effet, il est crucial d'ancrer le développement dans les cultures et les spiritualités de chaque peuple, car cela constitue un moyen efficace d'assurer un développement authentique. La connaissance et la compréhension de la culture propre, de l'histoire et de la géographie permettent de redécouvrir les technologies anciennes et les méthodes de transformation des matières utilisées par les ancêtres. De plus, cela peut également contribuer à retrouver les connaissances scientifiques que les ancêtres possédaient concernant l'observation des astres et d'autres phénomènes naturels. Toute personne familiarisée avec les cultures africaines authentiques sait que celles-ci reposent généralement sur des expériences scientifiques. Si nous perdons ces cultures, ce sont les sciences africaines qui disparaîtront avec elles. La préservation de l'histoire et de la culture doit être considérée comme une responsabilité collective, impliquant la participation de toutes les parties prenantes de la société. Cela garantira une compréhension plus complète et plus juste de l'histoire et de la culture des pays. Il est nécessaire que chaque pays africain envisage le développement à partir de sa propre culture et spiritualité pour progresser de manière authentique et durable.

L'histoire a démontré que les nations prospères se sont appuyées sur leur propre culture, leur histoire et leur identité nationale pour leur développement. Il est primordial que les chercheurs, les gouvernements, les entreprises et la société civile reconnaissent la valeur de la préservation de l'histoire et de la culture, et s'engagent à les protéger et à les promouvoir. Cela peut nécessiter la mise en place de politiques et de programmes visant à préserver l'histoire et la culture, ainsi que la promotion de l'éducation et de la sensibilisation sur l'importance de la préservation du patrimoine culturel. Malheureusement, en République Démocratique du Congo, les diverses nations autochtones qui composent ce pays ne partagent pas une culture commune. C'est pourquoi il est essentiel pour les peuples de notre pays de valoriser et de préserver leur propre culture, leur patrimoine et leur histoire.

 Il est impératif de reconnaître que chaque peuple possède sa propre culture distincte qui mérite le respect de leur identité culturelle individuelle, et c'est en maintenant cette diversité culturelle que la paix entre les nations peut être préservée. Cette pacification est essentielle pour promouvoir un développement durable qui soit en harmonie avec nos réalités environnementales et socioculturelles. Toute tentative visant à homogénéiser les cultures propres serait une atteinte à l'intégrité de leur histoire, et ne ferait qu'aggraver les blessures du passé. En cela, nous nous sommes rappelés des paroles de notre grand-mère :

« C’est à partir d’une identité culturelle qu’une Nation peut aller en avant. Toute nation qui copie la personnalité d’une autre nation, dans le mimétisme, devient une sorte de chimère, de vent marais. Elle peut en revanche prendre la qualité d’une nation tierce pour modèle tout en gardant sa spécificité et sa particularité culturelle. Un peuple sage est celui qui importe quelque qualité de l’extérieur pour s’enrichir, mais elle ne peut pas remplacer et copier une autre nation : en parler, en penser, et agir comme telle nation, à ce moment-là, elle n’est plus elle-même, et si elle n’est pas elle-même, elle ne sera plus efficace, elle ne pourra pas exister, elle ne saura pas aller beaucoup plus loin dans toutes les échelles sociales, économiques et politiques ».

En effet, il est indéniable que des nations telles que la Chine, le Japon, la Corée du Sud, la France ou l'Angleterre ont fondé leur identité nationale sur leur propre culture, qu'ils utilisent ensuite comme un puissant outil de soft power ou de puissance structurelle dans le contexte de la mondialisation. La culture revêt une importance capitale, car elle constitue un élément essentiel de la vie et une source de puissance pour une nation. Lorsqu'une société perd sa culture ou renie ses racines, elle se trouve dans une situation délicate où elle perd ses repères historiques et identitaires. Dans de telles circonstances, il devient difficile pour cette société de savoir d'où elle vient, où elle se trouve actuellement et où elle se dirige. Les Africains sont confrontés à cette réalité, car ils ont perdu leurs repères culturels. Cette perte entraîne une fragmentation des sociétés africaines ce qui rend difficile la construction d'un tissu industriel africain.

 

Please publish modules in offcanvas position.