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Liberté de la presse, deux approches opposées : abstentionnistes en  France et interventionniste aux USA 

Liberté de la presse, deux approches opposées : abstentionnistes en  France et interventionniste aux USA 

Liberté de la presse, deux approches opposées : abstentionnistes en  France et interventionniste aux USA 

/ Tribune Libre / Wednesday, 16 June 2021 20:17
source photo: https://apfvalblog.blogspot.com/
 
Par Jean Paul HABIMANA; politologue

Les diverses dispositions déontologiques touchant la liberté de la presse s’articulent sur l’indépendance des journalistes. Les hommes des médias doivent être libres, mais ne peuvent pas l’être totalement. De fait, le problème de l’équilibre entre la liberté et le contrôle n’est pas récent. Dans l’ouvrage de l’Institut Panos Paris. NE TIREZ PAS SUR LES MEDIAS. Éthique et déontologie de l’information en Afrique de l’Ouest, on lit que Johns Adams, ancien président des États-Unis (1797-1801), écrivait à un ami en 1815 à propos d’un problème lié à la réglementation de la presse « s’il doit y avoir jamais une amélioration du sort de l’humanité, les philosophes, les théologiens, les législateurs, les politiciens et les moralistes découvriront que la réglementation de la presse est le problème le plus difficile, le plus dangereux et le plus important qu’ils auront à découvrir ». L’un des aspects les plus tangibles de l’indépendance du journaliste est son désintéressement. C’est ainsi que la déclaration de Munich, sur les devoirs et les droits des journalistes fut adoptée les 24 et 25 novembre 1971, en demandant aux journalistes de s’interdire de recevoir une quelconque rémunération en raison de la publication ou de la suppression d’une information. La déclaration de l’UNESCO interdit au journaliste d’accepter tout avantage matériel et moral. Cette disposition est également développée par le code de la presse (Pressekodex) allemand. D. Cornu note « l’acceptation et l’octroi d’avantages de toutes sortes qui seraient susceptibles de porter préjudice à la liberté de décision de l’éditeur ou de la rédaction sont incompatibles avec la crédibilité, l’indépendance et la mission de presse. Celui qui se laisse corrompre, en vue de diffuser ou de supprimer des informations, agit de façon contraire à l’honneur et aux règles professionnelles ». Pour encourager ou garantir l’indépendance des médias, la loi française prévoit une liberté extraordinaire pour les journalistes : celui-ci peut ne pas être d’accord avec son journal et avoir le courage de démissionner avec des indemnités. André Linard, dans son livre Droit, Déontologie et Ethique des Médias définit la conscience morale comme «la faculté de démissionner accordée en certaines occasions aux journalistes professionnels salariés, sans perdre les indemnités qui lui seraient dues en cas de licenciement ». La protection du journaliste est assurée par une clause de conscience morale. Selon la déclaration de Munich, le journaliste ne peut pas être contraint d’accomplir un acte professionnel ou exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou à sa conscience morale. Judith Umwali note « comme individu, le journaliste n’est pas seulement tenu de respecter la loi commune à tout citoyen, mais la ligne générale du média, qui l’emploie, et les règles déontologiques de sa profession. Il reste à l’écoute de sa conviction et de sa conscience. Il revendique un espace de liberté qui est celui de l’éthique, dans lequel s’enracinent ses décisions, ses choix personnels ».

Selon Henri Pigeat, la liberté d’expression repose sur des approches : l’approche abstentionniste et l’approche interventionniste.

En France, l’éthique et la déontologie de l’information se fondent sur la liberté d’expression reconnue par l’art.11 de la déclaration des droits de l’homme de 1789. L’art.11 est clair : « la libre communication de ses pensées et de ses opinions est le droit le plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans le cas déterminé par la loi ». Cette approche qui pourrait être qualifiée d'« interventionniste » est en opposition complète avec le fondement de la liberté même aux États-Unis.

Quant à la liberté d’expression et d’opinion aux États-Unis, elle est formulée sans restriction dès 1776 dans le premier amendement de la déclaration des droits de l’État de Virginie « La liberté de la presse est l’un des grands remparts de la liberté et ne peut jamais être restreinte sauf par un gouvernement despotique ».

Il est à noter que la même formulation catégorique prévoit dans le premier amendement de la déclaration des droits de 1791 : « le congrès ne fera aucune loi(…) restreignant la liberté de la presse. » Cette approche est qualifiée d'« abstentionniste » par opposition à l’interventionniste. En définitive, la France privilégie une législation spécifique à la presse tandis qu’aux Etats-Unis, en cas de litige la réponse viendra de la jurisprudence du droit commun.

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