Lundi 14 septembre, sa candidature a été jugée irrecevable par les juges en raison d’une condamnation par la justice de son pays à vingt ans de prison et une amende de 4,5 milliards de francs CFA (quelque 7 millions d’euros) pour « recel de détournement de deniers publics » et « blanchiment de capitaux ». Le tribunal l’avait également privé de ses droits civiques pour cinq ans.
Malgré cela, jeudi 17 septembre, lors d’une conférence de presse organisée dans les salons d’un grand hôtel parisien, l’ancien président du Parlement a réaffirmé qu’il maintenait sa candidature de manière « ferme, irréductible et irrévocable ». Guillaume Soro s’appuie notamment sur une ordonnance rendue 48 heures auparavant par la Cour africaine des droits de l’homme (CADH) qui « ordonne » à l’Etat ivoirien de « lever immédiatement tous les obstacles empêchant Guillaume Soro de jouir de ses droits d’élire et d’être élu ». « Quand les juges ne sont pas corrompus comme ceux de mon pays, ils disent le droit et lui rendent ses lettres de noblesse », s’est réjoui Guillaume Soro.
Rien ne dit que le pouvoir ivoirien se pliera à l’injonction de la CADH alors qu’il était resté sourd à une décision précédente de cette même institution, datant du mois d’avril, et qui avait vainement ordonné à l’Etat de « surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori Soro ». Pire, ce dernier avait été condamné une semaine seulement après ce jugement. Dans la foulée, la Côte d’Ivoire décidait de se retirer de la CADH.
« Coup d’Etat constitutionnel »
Jeudi, Guillaume Soro a aussi appelé l’opposition à s’unir pour des « élections transparentes » et « stopper dans sa folle aventure » le président sortant Alassane Ouattara, son ancien allié et frère de combat en 2010 contre le pouvoir de Laurent Gbagbo.
Certes, l’opposition ivoirienne dénonce la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat. Elle la considère comme anticonstitutionnelle et, sur le plan moral, comme un déni de la parole donnée. Le chef de l’Etat s’était en effet engagé à laisser la voix libre à une nouvelle génération et avait renoncé à se représenter. Un engagement qui avait volé en éclat après la mort brutale, le 8 juillet, de celui qu’il avait choisi pour lui succéder, son ami, son dauphin, son premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
Guillaume Soro accuse donc son ancien mentor de « coup d’Etat constitutionnel » et demande à l’opposition « de faire bloc ». Le problème pour lui est qu’une partie de cette opposition a décidé de participer le 31 octobre à ce que lui nomme une « mascarade ». « Maintenir l’élection du 31 n’a aucun sens, y participer serait cautionné le coup d’Etat institutionnel d’Alassane Ouattara », a-t-il martelé. « Je n’irai pas aux élections tant que [Alassane] Ouattara est candidat, ce serait valider la forfaiture », a-t-il ajouté.
« Le scrutin du 31 octobre n’aura pas lieu »
Mais plusieurs poids lourds de l’opposition ne partagent pas cet avis. Lundi, en même temps qu’elle rejetait la candidature de Guillaume Soro ainsi que celle de Laurent Gbagbo, la Cour constitutionnelle retenait celle de trois autres opposants. L’ancien président Henri Konan Bédié (1993-1999), l’ex-premier ministre sous la présidence de Laurent Gbagbo (2000-2010), Pascal Affi Nguessan, et l’ancien député Kouadio Konan Bertin, dissident du parti de M. Bédié, sont bien décidés à jouer le jeu électoral.
Ainsi, lorsque Guillaume Soro dit et répète que « le scrutin du 31 octobre n’aura pas lieu », il convient de demander s’il ne s’agit pas là seulement d’un vœu pieu. Il n’a d’ailleurs rien voulu dire de la stratégie qu’il entend mettre en œuvre pour aboutir à ce résultat. L’ancien rebelle a perdu de sa force de frappe. Eloigné de la scène politique, isolé loin de ses terres, il ne semble plus en mesure de mobiliser la rue.
Certes, des échauffourées provoquées notamment par des partisans de Laurent Gbagbo ont accompagné, mardi, dans plusieurs localités du pays, la décision de la Cour constitutionnelle. En août, l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara avait aussi provoqué des affrontements, notamment communautaires, qui avaient fait une quinzaine de morts. En 2010, la crise née du refus de Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara avait fait quelque 3 000 morts. Ils sont peu à vouloir rejouer ce mauvais scénario.