Par Jean Paul HABIMANA
La religion traditionnelle en Afrique
Comme le sujet est plus vaste, nous ne pouvons pas aborder la problématique de la religion traditionnelle et le colonisateur mais nous allons limiter le sujet et nous intéresser sur la République Centrafrique car ce pays a résisté et voire même refuser de changer leurs croyances qui se basaient dans les religions traditionnelles.
Dans l’histoire de l’humanité, presque tous les peuples colonisés se sont vu imposer la ou les religions des peuples colonisateurs. De fait, il est rare qu’un pays conquérant trouve dans les pays conquis un vide religieux total tant il est vrai que la pratique d’une croyance ou religion semble consubstantielle, inséparable de l’existence humaine.
Depuis la nuit des temps et sous toutes latitudes, les êtres humains ont toujours eu des croyances ou des pratiques impliquant des relations avec des êtres ou des principes supérieures et qui sont propres à leur groupe social. En somme, une communauté humaine, si réduite soit-elle, ne peut se concevoir comme vivant une totale et parfaite existante areligieuse, agnostique et athée.
En réalité, des rapports de force divers entre les peuples antagonistes, contraints de vivre ensemble sur un même territoire, naissent des situations religieuses particulières que l’on peut classer ainsi :
1 Acceptation par la contrainte de la religion de plus fort ( le colonisateur)
2 Éducation et la persuasion
3 Refus de pratiquer de la religion de l’envahisseur étranger ou pratiquer la concomitante de religion indigènes et celle des étrangers.
Tout le monde sait que les principaux pays européens colonisateurs de l’Afrique furent, suite à la conférence de Berlin, les français, les belges, les anglais et les allemands. L’Oubangui plus tard devenu la République Centrafricaine a appartenu à la sphère d’influence française comme colonie membre de la fédération de l’ Afrique Équatoriale Française ( A E F) Les puissances colonisatrices européennes pratiquant l’une au l’autre des 3 religions révélées que sont christianisme, le judaïsme et l’islam, mais particulièrement le christianisme c’est cette dernière religion qui fut imposée en Centrafrique au début du 20 éme siècle. Ce sont donc des ministres des cultes catholiques et protestants (prêtres et pasteurs) qui entreprirent la conversion des centrafricains. Ceux-ci pratiquaient diverses religions ou croyances traditionnelles aussi nombreuses que les ethnies ou les tribus qui parlaient le pays ; rarement monothéistes, la plupart des croyances traditionnelles reposaient sur l’existence d’esprits supérieurs ou des mâmes des ancêtres.
Par souci de clarté et de simplification pédagogique en vue d’une meilleure compréhension, nous avons choisi, parmi des nombreuses croyances religieuses traditionnelles de Centrafrique, le culte des ancêtres chez les Bandia (Nzakara et Zandé) du sud est Centrafricain. Qu’est-ce qui peut autoriser le classement du « culte des ancêtres » dans les catégories des religions ? C’est le fait que, comme toute religion, cette pratique est une activité sociale qui met en évidence l’existence conjointe de croyances- au surnaturel et à des esprits ou mânes- et d’actes- pratiques rituelles- qui visent à établir des relations spécifiques entre les hommes et les êtres extra- humains. L’analyse du culte des ancêtres qui nous préoccupe ici montre bien que, comme dans toutes les religions, on peut noter la pratique des éléments caractéristiques que sont : le rite, le sacré et le sacrifice.
1 Le rite est l’existence dans la vie sociale d’une périodicité ( dates régulières) des procédures c'est-à-dire, essentiellement, des manifestations symboliques : les fêtes, les cérémonies, les célébrations qui sont les activités publiques de groupes. Dans le cas du culte des ancêtres, les mânes ( ambassima-tita) sont représentés par des symboles métalliques réunis sur un autel situé en brousse, dans un endroit dérobé aux regards. Seul le gardien des ancêtres défunts et les épouses de ces derniers ont droit d’en approcher et font le service de sanctuaire. Une fois par an, les représentions figurées des mânes sont descendues de l’autel et exposées en public selon le rituel précis : c’est la fête du « tounga boudou », fête des ancêtres, fête de la fécondité où le mil (épis et bière) est mis en valeur en tant qu’aliment produit par le labeur des hommes.
2 Le sacré indique que ces activités, ces célébrations appartiennent à un domaine digne d’un respect absolus, inviolable : les mbassina ( mânes, vénérable : les mbassina ( mânes des ancêtres) sont appelés naturellement par leurs noms comme s’ils étaient vivants, excepté le personnel affecté à leur service, personne n’est autorisé à voir le sanctuaire, sinon une fois l’an, pendant la préparation et la célébration du « tounga boudou ». La raison donnée est s’approcher des « mbassina ». En plus de cet interdit, ont seuls droit de toucher les ancêtres, en dehors du « tounga boudou », les anciens de lignage( les tita). A chaque sanctuaire est affecté un gardien ( choisi par le chef de lignage) qui, comme tout un chacun, ne peut approcher les ancêtres qui après continence préalable.
3 Le sacrifice : le gardien qui habite sur la place doit tenir le lien de culte en bon ordre, il prélève d’office un quartier sur tout gros gibier abattu : éléphant, buffle, antilope, et veille à ce que les mânes aient leur part des dépouilles. Les ancêtres ( mbassina) se lavent, mangent, boivent et fument. Sur la claie sont donc déposées des offrandes dans divers récipients. Les ancêtres se manifestent aux leurs par la voie des songes.
L’ancêtre courroucé est redoutable : il apparaît en rêve à l’un des membres du lignage à qui il manifeste son mécontentement et qu’il accable de reproches : les manifestations de ses colères sont généralement : les épidémies (des redoutables pathologies), la stérilité, les avortements chez les femmes, les chasses et les pêches infructueuses etc
Conséquences de la colonisation sur les religions traditionnelles en Centrafrique
Les missions protestantes locales pourchassent les « mbassina » qu’elles considèrent comme des démons. Dans de nombreux villages les catéchistes protestants ont organisé des commandos ayant pour mission de jeter bas les autres à l’improviste, de s’emparer des mbassina et de les jeter au marigot le plus proche. Venant des ministres d’un culte « blanc », ces commandos étaient attribués par les populations locales à une volonté explicite de l’administration coloniale. Certains missionnaires catholiques condamnent avec force et excommunient les « les da-sialo » ( femmes prêtresses en charge de l’entretien des autels » qu’ils tiennent pour prostituées. En outre, la conversation à la religion chrétienne des personnes influentes de la population indigène sape le culte à sa base. D’autres part, les plus jeunes rejettent le culte dans le prétexte que sont là de « vieilles histoires de sauvages du temps de leurs aïeuls ». Les mânes des ancêtres peuvent se courroucer ou menacer, on ne les prend plus toujours au sérieux.