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En Mauritanie, parler de l’esclavage et de ses séquelles n’est plus un tabou 

En Mauritanie, parler de l’esclavage et de ses séquelles n’est plus un tabou 

En Mauritanie, parler de l’esclavage et de ses séquelles n’est plus un tabou 

/ SOCIETE / Friday, 18 June 2021 14:28

Par Sneiba Mohamed  

En Mauritanie, pays du Sahel multiraciale où la question de la persistance de l’esclave divise, parler de cette pratique abjecte divisait et pouvait même conduire en prison. L’organisation de plusieurs ateliers par l’Union pour la République, parti au pouvoir, semble indiquer une orientation nouvelle comme pour dire que la question peut être débattue, même par ceux qui, côté pouvoir, se sont toujours opposés à son traitement par des organisations de défense de droits de l’homme accusées, à tort ou à raison, d’en faire un fonds de commerce à l’international. 

Dans ce qui ressemble bien à une université d’été sur l’unité nationale et la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, a dépêché dans deux grandes régions du pays (l’Assaba et le Gorgol) une forte délégation conduite par son président pour débattre de cette question avec des participants venant de 8 des 12 régions du pays. 

Lors de ces universités d’été pour lesquelles le parti UPR a convié des cadres et militants choisis au sein de ses élus et de ses structures dirigeantes centrales et régionales abordent, sans tabous, deux questions qui divisent les Mauritaniens depuis près d’un demi-siècle, avec le Manifeste du Négro-mauritanien opprimé (1966) et la création du Mouvement « El hor » (le libre) par les descendants d’anciens esclaves appelés « Harratines ». 

« Il n’y a nulle gêne que nous ayons des problèmes pendants qui nécessitent la recherche de solutions, et il n’est pas surprenant que nous ayons des séquelles d’époques révolues et des transgressions dont ont été victimes certains d’entre nous, mais le tort serait de ne pas diagnostiquer ces tares et d’œuvrer pour trouver les moyens adéquats pour les dépasser, étant entendu que l’erreur est possible, mais ne pas la corriger est inacceptable », avait déclaré S. M. Taleb Amar, président du parti UPR qui détient 104 députés sur 159 à l’assemblée nationale de Mauritanie. 

Mohamed Mahmoud Ould Emmatt, conseiller du président de la République, et membre du bureau exécutif de l’UPRR chargé de présenter une communication sur la lutte contre l’éradication des séquelles de l’esclavage, a fixé les axes de son intervention autour de 4 points, à savoir un rappel historique, l’état des lieux, la vision du parti et quelques enseignements et propositions livrés comme début de solution. Il dira que, comme beaucoup de pays dans le monde, la Mauritanie a connu le phénomène de l’esclavage dans ses pratiques les plus abjectes et qu’à son arrivée, le colon a décidé de « faire avec » pour des raisons qui lui sont propres. 

A l’indépendance du pays, la constitution se devait de respecter la déclaration des droits de l’homme, ce qui est censé mettre un terme, de jure comme de facto, à cette pratique d’un autre âge. Il en sera de même avec la loi de 1981, première dénonciation sans équivoque du phénomène, mais qui a péché par le fait qu’aucune mesure d’accompagnement n’a été prise pour que la pratique cesse. Il y eut ensuite le pouvoir élu de 2007 et les divers dialogues de 2012 et 2015, mais toujours pas l’ombre d’une solution pouvant donner l’espoir que l’éradication des séquelles de l’esclavage se réaliserait un jour ! Le chômage, la pauvreté, la « déscolarisation », le retard économique, les effets sociaux et psychologiques sont autant de « marques » visibles tendant à montrer qu’il y a nécessité de faire quelque chose rapidement. 

Dans ce cadre, la tenue de ces ateliers tranche nettement entre un « avant » et un « après », ne serait-ce que par la volonté de poser les questions par le parti présidentiel qui voit ces problèmes non pas comme une question qui doit être portée par un groupe mais comme l’affaire de tous. La sensibilisation, à tous les niveaux (imams et oulémas, partis politiques, société civile), la révision de l’arsenal juridique et la formation de ressources humaines capables d’aller dans le sens de la nouvelle vision sont des mesures qui vont dans le sens de ce qui est mis en œuvre actuellement pour réparer le tort historique subi par les harratines, descendants d’esclaves qui continuent à souffrir de mille et une séquelle d’un passé qui s’obstine à ne pas les lâcher. 

  

 

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