source photo:BDM
Par Dr Choucroun Danielle
un mot à la confluence de champs multiples : sociologie, psychologie, philosophie, biologie, histoire , géographie
un processus :
-l’incorporation pour la construction de soi d’éléments pluriels innombrables et changeants de l’environnement familial, sociétal et historique
-la négociation entre soi et le dehors : tentative réussie ou non de rendre la vie vivable
Sur le plan politique l’identité est la rencontre de la Nation et de l’État où elle se revendique citoyenne
L’identité est un concept oxymore: toujours singulière et existant par le désir vital de l’appartenance pour continuer ensemble la vie commune
On ne peut pas écrire avec du blanc sur du blanc, on ne peut pas écrire avec du noir sur du noir :
La question de l’identité s’appréhende par l’échange
L’ambivalence est le contexte de la rencontre, mixant attirance/ répulsion et fusion/violence. Dans l’espace public les rituels d’indifférence tels l’évitement du regard ou de la parole sont contredits par les réseaux sociaux convoqués au secours de la solitude
L’identité s’éprouve pour se construire dans l’antagonisme de la relation humaine : spontanée et contrainte, nécessaire quand elle manque, oppressante quand elle est là
L’identité se dénude dans la posture éthique de la responsabilité : être capable et attendre une réponse
Une nouvelle cohésion sociale émerge, la globalisation issue des exéats des socialités traditionnelles
Évolutions techniques, migrations économiques, politiques ou simplement personnelles ont définitivement rompu les loyautés familiales et communautaires, la globalisation est devenue la nouvelle condition humaine
L’identité affronte l’achèvement des cadres culturels traditionnels, substitués par des systèmes sociaux de plus en plus complexes : on ne sait plus ce qu’il convient de faire, de penser et de ressentir
L’identité s’accomplit dans les réseaux d’échanges virtuels, « préliminaires » possibles de la rencontre et y est mise en péril par ses changements paradigmatiques continus, en particulier la théorie du genre troublant la lisibilité traditionnelle des personnes mais offrant des opportunités inédites de visibilité
Une définition : l’identité est ce qui articule le passé et l’avenir dans l’objectif du vivre ensemble
Si l’identité est un débat : la controverse de Valladolid
Au 16e siècle les Conquistadors espagnols s’approprient les terres minières du Pérou et du Mexique : les affrontements sont meurtriers, les populations locales sont massacrées, spoliées, rendues étrangères chez elles et mises en esclavage
Bartolomé de Las Casas dénonce la cruauté des colons, Juan Gines de Sepulveda défend la conquête espagnole et la christianisation , devant mettre fin aux pratiques locales de sacrifices humains
En résulte le débat de Valladolid organisé par Charles Quint :
-le présupposé est que certaines âmes sont supérieures à d’autres
-l’objectif est de savoir si l’emploi de la force pour soumettre les Indiens est légitime ou non
Sepulveda observe que sont pratiquées des règles contraires à la morale chrétienne : sacrifice humain, anthropophagie, inceste.
Mais les conflits sanglants successifs de la « Guerre de Cent Ans, les onze guerres d’Italie où s’affrontent les grandes puissances européennes ne sont-elles pas également des sacrifices humains dont l’absolution est construite par les règles du Droit ?
Les deux parties de ce débat se proclameront vainqueurs
La controverse de Valladolid interroge l’identité dans sa dimension culturelle, cultuelle, économique et politique, et découvre les mécanismes d’institutionnalisation de la violence entre et au sein des Communautés et des Nations
Si l’identité est une histoire : Anton Wilhem Amo
Anton Wilhem Amo serait né vers 1703 dans la région d’Axim, actuel Ghana et déporté en Allemagne par la Société Hollandaise des Indes Occidentales
Jeune enfant, Amo aurait été « offert » au Duc de Brunswick-Wolfenbüttel. À la Cour Amo va recevoir l’éducation réservée à la noblesse
En 1729 Amo soutient sa première thèse juridique : Dissertatio inauguralis de iure Maurorum in Europa, débat à propos de la liberté et de l’esclavage des Africains achetés par les Européens vivants en Europe
En 1730 Amo s’inscrit à la Faculté de Médecine
En 1734 Amo publie sa deuxième thèse de Doctorat de Philosophie « De humanae mentis apathea » à propos du supposé dualisme corps-âme
Amo enseigne la philosophie à Halle. S’inscrivant dans le contexte de son temps, Amo représente
l’école leibnizienne-wolffienne de l’Allemagne du 18e siècle
Une déception sentimentale aurait décidé Amo à quitter définitivement l’Europe et rejoindre en Afrique la région de sa naissance
L’histoire quasi mythique d’Amo, premier Africain à obtenir un Doctorat dans une université européenne est l’histoire d’une migration forcée et d’une construction identitaire se déployant au-delà des représentations sociales et des frontières.
Dès lors que la bienveillance et les moyens utiles sont disponibles, que la personne est en capacité de s’en saisir, tous les possibles se réalisent.