source photo: ULB TV
Par Jean Paul HABIMANA
J’ai connu Marie-Soleil Frère lorsque je faisais mes recherches académiques à l'Université de Bordeaux dans le cadre de mon Master en journalisme et communication. Ses recherches m’ont vraiment inspiré lorsque je préparais mes travaux universitaires. Quatre ans après, elle était mon enseignante lorsque je préparais mon deuxième Master en Science politique à l’Université de Paris 8. J’ai eu la chance d’être son étudiant, elle était très académique et donnait des cours de haut niveau par rapport à d’autres cours que j’ai pu suivre. Dr Clément Zobel, mon professeur à l'Université de Paris 8, qui a dirigé mes travaux de recherche portant sur le journalisme et la démocratie en Côte d’Ivoire, m’a conseillé de demander à Madame Marie-Soleil de diriger ma Thèse de Doctorat.. J’étais donc en contact avec elle depuis 2013 : nous avons échangé beaucoup d’emails, car elle avait accepté de diriger ma Thèse. Cependant, elle m’a révélé que sa santé se dégradait. Nous sommes tout de même restés en contact et je lui ai parlé de mon projet de créer un média en ligne appelé « Œil d’humanité » : elle m’a encouragé et c’est en partie grâce à elle que ce journal a vu le jour aujourd’hui. Lorsque j’ai lu les médias belges, j’ai été profondément triste d’apprendre sa disparition. Elle nous a quittées après plus de vingt ans de travail sur l’évolution des médias en Afrique francophone.
Marie-Soleil Frère, universitaire belge, spécialiste reconnue des médias africains, s’est éteinte dans la nuit du 18 au 19 mars 2021. Chercheuse en journalisme, elle a professé des années durant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et à l’Université Joseph KiZerbo de Ouagadougou (Burkina Faso) où son passage a laissé des traces indélébiles. Ses anciens étudiants et ses collègues Belges, Français et Africains, sont tous unanimes pour saluer son « engagement pour l’Afrique », à travers notamment l’orientation de ses recherches sur le rôle des médias dans les évolutions politiques du Continent Noir.
On retient de ce parcours exceptionnel, outre le poste de Directrice de recherches du Fonds national de la recherche scientifique et chargée de cours à l’Université libre de Bruxelles (Département des Sciences de l’Information et de la Communication), les fonctions de responsable au programme de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), où elle conduisait les projets d’appui aux médias francophones du Sud, de Chercheuse permanente au FNRS. On retient également sa collaboration fructueuse, sur de longues années, avec de nombreuses ONG internationales qui soutiennent les médias africains (Institut Panos Paris, Search for Common Ground, Internews etc). L’une de ses contributions notoires en Afrique est aujourd’hui saluée par ceux qui l’ont connue comme une femme de terrain.
Ses publications sur l’Afrique et les médias africains sont considérables : Presse et Démocratie en Afrique francophone (Paris, Karthala, 2000), Médias et Communications sociales au Burkina Faso (Paris, L'Harmattan, 2003) et Afrique Centrale. Médias et Conflits. Vecteurs de guerre ou acteurs de paix (Bruxelles, Éditions Complexe, 2005). Malgré sa disparition, ils resteront des ouvrages de référence pour les générations futures afin de continuer le travail remarquable accompli dans un domaine qui lui tenait à cœur jusqu’aux derniers moments de sa vie.
Les hommages qui sont rendus à Marie-Soleil Frère dans divers médias africains et européens témoignent de l’estime dont elle jouissait auprès de tous ceux qui ont eu à collaborer avec elle ou à bénéficier de ses enseignements.
Le dernier acte que Marie-Soleil aura posé pour assurer la continuation de son engagement en faveur de l’Afrique est le fonds « Regards sur l’Afrique », créé en janvier 2021, « à sa demande », précise l’ULB, et qui a pour objet « d’octroyer des aides financières aux étudiants de master en journalisme de l’ULB qui souhaitent effectuer un séjour en Afrique pour y mettre en œuvre un projet journalistique (presse écrite, radio, télévision, web, photo) ou une recherche, dans le cadre de leur mémoire ».
Notre cœur est lourd mais nous savons que Marie-Soleil a fait œuvre utile.
Que son âme repose en paix.
