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Les dessous de la migration des Caribéens et Sud-américains vers les États-Unis d'Amérique

Les dessous de la migration des Caribéens et Sud-américains vers les États-Unis d'Amérique

Les dessous de la migration des Caribéens et Sud-américains vers les États-Unis d'Amérique

/ SOCIETE / Wednesday, 22 September 2021 13:54

source photo: radio canada

Au cours de ces derniers jours, une grande attention a été portée sur la situation des migrants à la frontière américano-mexicaine à Rio Grande. Entre la fin de la semaine dernière et le wee-kend, plus de 10500 personnes dont des Haïtiens et des Sud-américains se trouvaient devant cette porte d’entrée des États-Unis attendant la concrétisation de leur « Rêve américain ». Un projet qui n’aura pas été réalisé pour beaucoup qui sont déjà retournés chez eux sous l’ordre de l’administration Biden. Est-ce une mésinterprétation de la doctrine de Monroe (L’Amérique aux Américains) de leur part? Et s’il s’agissait d’une conséquence de l’impérialisme américain dans la zone? L’Oncle Sam ne devrait-il pas repenser son rapport avec les autres pays du continent?

Depuis un certain temps, les États-Unis d’Amérique sont devenus le fantasme de la grande majorité des Sud-Américains: Chiliens, Vénézuéliens, Mexicains et des Caribéens dont des Haïtiens pour la plupart. Ces gens sont prêts à tout pour fuir leurs pays souvent saccagé par la misère, l’insécurité, la persécution, entre autres. Ces milliers de personnes se trouvant sur la frontière, au cours de ces derniers jours, illustrent bien cette question. L’administration américaine à ce moment-là est obligée de prendre des mesures pour protéger à la fois ses citoyens et ces malheureux candidats à l’exil. Le problème c’est que les solutions souvent adoptées semblent ne pas viser les racines de ce mal plus ou moins organisé. Les mesures telles que les déportations massives, les emprisonnements, les promesses de régularisation ou encore de statut de protection temporaire(TPS), ne sauraient remédier à cette situation. L’indifférence non plus.

La politique de doublure et le comportement de gendarme des Américains depuis le début du vingtième siècle n’ont-ils pas leur part de responsabilité?

Le siècle dernier et le début du vingt-et-unième, outre les guerres mondiales, auront été marqués par la domination excessive de la République étoilée sur ses voisins de l’Amérique latine et des Caraïbes. Haïti, frappé par des crises internes fréquentes entre les années 1900 et 1915, a été la plus grande victime de l’impérialisme américain. Après 19 ans d’occupation, le nouveau maître du monde a eu le temps d’achever les destructions du projet de ceux qui ont fait la révolution de 1804. Sur le plan économique, Haïti n’a plus de ressources. Ses réserves auraient été emportées vers les États-Unis. Même après leur départ en 1934, les Américains se sont arrangé pour avoir le contrôle du pays en y imposant des chefs d’État qui ne font qu’obéir à leurs ordres. On compte à la date d’aujourd’hui quatre interventions militaires américaines en Haïti : 1915-1934, 1994, 2004 et 2010. Entre temps, la République Dominicaine, le Venezuela, le Nicaragua et d’autres pays du continent ont connu eux aussi leurs misères.

La République Dominicaine a connu deux occupations américaines (1916-1924 et 1965-1966), la deuxième est survenue à la suite de sa première tentative d’organiser des élections plus ou moins démocratiques. Et la banque de Santo-Domingo aura connu les mêmes lois que la banque centrale de Port-au-Prince.

Sauveur Pierre Étienne est, entre autres occupations, politologue, enseignant-chercheur à l’Université d’Etat d’Haïti et membre du Centre de Recherche et de Formation Économique et Sociale pour le Développement (CRESFED). Dans le cinquième chapitre de son ouvrage intitulé L’ÉNIGME HAÏTIENNE, l’historien a passé en revue les principales conséquences de l’occupation américaine en Haïti. Il a pu montrer que si les Américains ont ouvert la voie à la modernisation de l4État, ils ont aussi créé, de par leurs dominations et leurs politiques après leur départ physique du territoire, un État sans souveraineté. Ils ont fait en sorte de se perpétuer à travers les institutions et les présidents qu’ils auront sélectionnés en se basant sur la fable de la démocratie.

Ce qui va finir par tuer l'espoir des fils et filles du pays qui ne vont rêver que d’ailleurs.

"Avec l’élection, par l’Assemblée nationale, du sénateur Sudre Dartiguenave comme président de la République, le 12 août 1915, pour un mandat de sept ans, sur la base de la constitution de 1889, l’occupant trouvait un interlocuteur peu docile, mais coopératif, pour donner une façade légale à sa vision de l’organisation étatique qui convenait à Haïti et qu’il entendait imposer de gré ou de force." écrit le professeur.

C’est pratiquement de la même manière dont ces donneurs de leçon allaient procéder pour s’imposer dans la zone.

Les interventions américaines dans les conflits internes des pays sud-américains et dans les Caraïbes sont très souvent des sources d’instabilité, ou des causes de la dégradation des crises politiques. La situation de crises politique et économique qui sévit dans des pays comme le Venezuela et le Nicaragua ne serait pas sans une touche américaine. On se souvient de l’affaire-Guaido. L’opposant politique vénézuélien qui s’est auto-proclamé président par intérim allait, ipso facto, recevoir les supports des USA, de l’OEA et de l’Union Européenne.

La doctrine « L’Amérique aux Américains » prend tout son sens et continue de créer des malheureux jusqu’à les emmener chez eux. Peut-on tuer l’espoir chez un peuple sans y créer des idéalistes?

Et si les crises politiques, sécuritaires et économiques étaient effectivement les facteurs majeurs qui poussent les gens à aller voir ailleurs?

Leslie François Saint Roc Manigat a été politologue, enseignant et président de la République d’Haïti. Avec sa maîtrise des faits historiques et son expertise des relations internationales, il a enseigné dans plusieurs universités en France, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et dans la Caraïbe. Il a peut-être raison lorsque, dans son article intitulé « Les États-Unis et le secteur caraïbe de l’Amérique latine » qu’il a publié en 1969, il avait montré que la gestion de la Caraïbe se révèle une priorité pour les Yankees. C’est en effet une porte d’entrée sur le continent et donc stratégiquement importante. Ce qui explique qu’ils vont tout faire pour la contrôler. Est-ce la même réalité aujourd’hui?

Le mieux à faire serait de faciliter une vie digne dans ces milieux jugés importants, laisser aux peuples qui y habitent le soin de déterminer leurs orientations. Sans quoi, les Américains n’auront pas de repos sur leurs frontières. Parce qu’il ne s’agit pas de simples individus qui ont besoin de voyager mais de personnes en quête de survie.

Au cours de ces deux dernières décennies, le Brésil, le Chili et le Mexique sont devenus de véritables zones de transit. Une femme qui a tenté de franchir la frontière de Rio Grande et qui est retournée chez elle à travers un avion dont dispose le gouvernement américain pour rapatrier les migrants qui vivent illégalement sur son territoire, raconte un peu son parcours : « J’ai passé quatre ans au Chili, je n’ai pas pu obtenir les papiers qui me permettraient d’y vivre tranquillement. C’est la raison pour laquelle j’avais décidé de me rendre aux États-Unis. Sur ma route, je n’ai pas vu un pays qui soit meilleur que le Chili.» Pendant ce voyage qui a duré plus de deux mois, elle a dû traverser plusieurs pays de l’Amérique du Sud. « C’est un groupe qui s’est agrandi à chaque moment, dans tous les pays où nous étions arrivés d’autres gens y ont intégré », a fait savoir un déporté qui n’a pas voulu être enregistré. Alors, quelle stratégie pour combattre ce problème d’allure endémique?

Jeff THES

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